Surveillance, arrestations, tortures, exécutions, la répression s’est abattue sur le Burundi. Livrée sans défense au régime en place, la population vit sous le régime de la peur.
Les quartiers contestataires de Bujumbura sont surveillés, très surveillés. Impossible d’y entrer sans être aussitôt repéré par des policiers en faction, des forces de l’ordre en civil, des agents de la Documentation (le service national de renseignement, SNR), ou par les informateurs du régime. Au Burundi, le prix d’une délation tourne autour de 20 000 francs burundais, soit environ 10 €.
Il y a aussi les Imbomerakure, la milice progouvernementale issue de la ligue des jeunes du parti présidentiel, le CNDD-FD. Ils sont à la fois supplétifs des forces de sécurité, gardiens de l’ordre public et zélateurs du régime en place. Tout sauf des tendres et des modérés.
Maisons fermées, boutiques closes, ruelles quasi désertes. Dès 18 heures, plus personne ne sort dans les quartiers connus pour s’être opposés à un troisième mandat du président Pierre N’Kurunziza, lors des élections du printemps dernier.
Ici, la nuit, les habitants redoutent une descente du bataillon Génie des combats (BGC), du Bataillon spécial de protection des institutions (BSPI), de l’Agence de protection des institutions (API), de la brigade antiémeute (BAE), les principales unités au service de la répression gouvernementale.
Les jeunes, principales victimes
Officiellement, elles font la chasse aux rebelles, aux recrues de la Red-Tabara (Résistance pour un État de droit), ou aux éléments du Forebu (Forces républicaines du Burundi), deux des principaux mouvements armés issus des rangs de l’opposition. Ces groupes n’ont pas, pour l’heure, les moyens de renverser le régime en place par la force, mais ils éliminent des leaders de la majorité, des policiers, des agents du renseignement et des collaborateurs du régime à coups de grenades, d’assassinats ciblés, de guet-apens. Les deux camps se livrent une lutte à mort.
Les forces de l’ordre, plus puissantes, ne font pas dans le détail. Leurs ennemis ? Ce sont, à leurs yeux, tous les habitants des quartiers contestataires. Perçus d’abord comme des opposants politiques, ils sont considérés comme des séditieux et des terroristes. Selon les jours, les ordres reçus et les unités envoyées, la répression est plus ou moins lourde : « Les forces de l’ordre ont d’abord arrêté les leaders des manifestations, puis les manifestants. La Documentation a scruté les photos, les films, les articles de presse et les réseaux sociaux pour identifier les manifestants. Des listes ont été établies. Vous avez intérêt à disparaître avant qu’ils ne vous fassent disparaître », témoigne une source de la société civile qui vit cachée à Bujumbura.
Les cibles ? En premier lieu les jeunes : étudiants, jeunes diplômés, jeunes désœuvrés… ils étaient les plus nombreux à manifester. « Au début, nous retrouvions leurs cadavres dans la rue. Après l’attaque des camps militaires du 11 décembre 2015 et la vague répressive qui s’est abattue sur les quartiers contestataires, les autorités sont désormais plus discrètes », explique un autre.
Les quartiers contestataires de Bujumbura sont surveillés, très surveillés. Impossible d’y entrer sans être aussitôt repéré par des policiers en faction, des forces de l’ordre en civil, des agents de la Documentation (le service national de renseignement, SNR), ou par les informateurs du régime. Au Burundi, le prix d’une délation tourne autour de 20 000 francs burundais, soit environ 10 €.
Il y a aussi les Imbomerakure, la milice progouvernementale issue de la ligue des jeunes du parti présidentiel, le CNDD-FD. Ils sont à la fois supplétifs des forces de sécurité, gardiens de l’ordre public et zélateurs du régime en place. Tout sauf des tendres et des modérés.
Maisons fermées, boutiques closes, ruelles quasi désertes. Dès 18 heures, plus personne ne sort dans les quartiers connus pour s’être opposés à un troisième mandat du président Pierre N’Kurunziza, lors des élections du printemps dernier.
Ici, la nuit, les habitants redoutent une descente du bataillon Génie des combats (BGC), du Bataillon spécial de protection des institutions (BSPI), de l’Agence de protection des institutions (API), de la brigade antiémeute (BAE), les principales unités au service de la répression gouvernementale.
Les jeunes, principales victimes
Officiellement, elles font la chasse aux rebelles, aux recrues de la Red-Tabara (Résistance pour un État de droit), ou aux éléments du Forebu (Forces républicaines du Burundi), deux des principaux mouvements armés issus des rangs de l’opposition. Ces groupes n’ont pas, pour l’heure, les moyens de renverser le régime en place par la force, mais ils éliminent des leaders de la majorité, des policiers, des agents du renseignement et des collaborateurs du régime à coups de grenades, d’assassinats ciblés, de guet-apens. Les deux camps se livrent une lutte à mort.
Les forces de l’ordre, plus puissantes, ne font pas dans le détail. Leurs ennemis ? Ce sont, à leurs yeux, tous les habitants des quartiers contestataires. Perçus d’abord comme des opposants politiques, ils sont considérés comme des séditieux et des terroristes. Selon les jours, les ordres reçus et les unités envoyées, la répression est plus ou moins lourde : « Les forces de l’ordre ont d’abord arrêté les leaders des manifestations, puis les manifestants. La Documentation a scruté les photos, les films, les articles de presse et les réseaux sociaux pour identifier les manifestants. Des listes ont été établies. Vous avez intérêt à disparaître avant qu’ils ne vous fassent disparaître », témoigne une source de la société civile qui vit cachée à Bujumbura.
Les cibles ? En premier lieu les jeunes : étudiants, jeunes diplômés, jeunes désœuvrés… ils étaient les plus nombreux à manifester. « Au début, nous retrouvions leurs cadavres dans la rue. Après l’attaque des camps militaires du 11 décembre 2015 et la vague répressive qui s’est abattue sur les quartiers contestataires, les autorités sont désormais plus discrètes », explique un autre.
Plus de 600 morts depuis le début de la crise
Dorénavant, selon un observateur des droits de l’homme, les victimes sont embarquées dans des voitures aux vitres teintées ou dans des camions sous bâche. Direction Rukoro, dans la forêt, près de la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC) : là, ils seraient exécutés et enterrés par deux. Depuis le début de la crise, le chiffre de 600 morts est avancé. « Une estimation basse. Nous pensons qu’il a dépassé les 1 000 morts », confie un observateur européen. Aucun registre des arrestations n’est tenu. « Leur nombre varie selon les jours et les semaines. En février, on en comptait en moyenne 150 par semaine », explique-t-il.
Les gens sont conduits dans des lieux de détention officielle, mais aussi dans des prisons secrètes comme des maisons individuelles ou des hôtels. La torture y est générale : « Quand ils disent ”On va prendre le thé”, cela veut dire qu’ils vont te tabasser », témoigne un rescapé des geôles burundaises. Pour les corriger et les obliger à dénoncer des camarades, les tortionnaires utilisent des barres en béton et les brûlures de sacs en plastique.
Chaque semaine, des émissaires du gouvernement endoctrinent les foules dans tout le pays. Ils leur disent que le Burundi est menacé par ceux qui ont perdu le pouvoir, par des étrangers venus du Rwanda. Ils leur demandent la plus grande vigilance. « Souvenez-vous de 1972 ! », leur répètent-ils sans faiblir.
1972 ? C’est l’année du grand massacre commis par un régime policier tutsi. À la suite d’une tentative de soulèvement hutu, la répression du pouvoir tutsi fut massive : le bilan varie selon les sources, mais on parle généralement de 100 000 morts. Un crime de masse jamais puni. Ceux qui dirigent aujourd’hui le pays sont des orphelins de 1972, comme Pierre Nkurunziza dont le père, un député hutu, avait été assassiné cette année-là. Personne n’a oublié cette tragédie. Surtout pas ceux qui sont au pouvoir.
« On est surveillés, on nous écoute »
Dans ce climat empoisonné, la peur est dans toutes les têtes et dans tous les camps. Crainte d’être ciblé par les rebelles, tué par une grenade, attaqué par le Rwanda (1). Terreur d’être dénoncé, arrêté, torturé, tué par les escadrons de la mort du régime.
Ce jour-là, l’armée a fait une descente dans Musaga, l’un des quartiers contestataires de Bujumbura. Rafales de kalachnikovs, grenades, perquisitions, arrestations, la nuit a été une nouvelle fois agitée.
Le lendemain matin, la vie a repris son cours. Une vie presque normale. Sauf que les cadenas pendent aux portes, les boutiques sont presque toutes fermées, les passants, peu nombreux, ne s’attardent pas dans la rue. Trouver une personne à qui parler sous le regard de tous ? Une gageure. Les passants fuient les questions. « On est surveillés, on nous écoute », dit l’un d’eux avant de s’éclipser. Un courageux explique que tout le monde vit dans la terreur, qu’ils sont livrés sans défense aux forces de police.
De plus en plus de jeunes rejoignent les rangs de la rébellion armée pour renverser le pouvoir. « Partir ? J’y pense, bien entendu. Mais pas avant d’avoir terminé mon diplôme », murmure un étudiant.
Un pays sans libertés
Le Burundi des accords d’Arusha est mort et enterré. Signé en 2000 sous l’égide de Nelson Mandela, ce traité prévoyait le partage du pouvoir entre la majorité hutue (85 % de la population) et la minorité tutsie (14 %). Un équilibre sur lequel s’était construit un Burundi démocratique et stable.
Mais, en 2016, il n’y a plus d’opposition, plus de journalistes indépendants, plus de société civile, plus personne n’ose prendre la parole librement. L’Église catholique s’y emploie encore un peu. Mais elle est aussitôt rappelée à l’ordre, directement menacée par le pouvoir, par des personnalités de premier plan ou par des « amis ». L’Église a peur. Et elle a raison.
« Le Burundi est dirigé par un clan issu du maquis », résume une personnalité influente dans le pays. La réélection de Pierre Nkurunziza a signé le retour du parti unique. Un parti qui a le droit de vie et de mort sur nous tous. »
Une crise qui s’envenime
28 août 2000. Signature de l’accord de paix d’Arusha, dont Nelson Mandela fut l’un des principaux artisans. Il prévoit le partage du pouvoir entre la majorité hutue (85 % de la population) et la minorité tutsie (14 % des Burundais), cette dernière ayant été longtemps
à la tête du pays.
26 avril 2015. Première manifestation contre la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat consécutif, alors que la Constitution fixe la limite à deux.
13 mai. Le général Godefroid Niyombare tente un coup d’État qui échoue et est réprimé dans le sang.
21 juillet. À l’élection présidentielle, Pierre Nkurunziza est déclaré vainqueur avec 69,41 % des voix. L’opposition est la cible d’arrestations et de meurtres impliquant la police burundaise.
11 décembre. Après l’attaque de trois camps militaires, une vaste répression s’abat dans les quartiers contestataires.
1er avril 2016. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité une résolution ouvrant la voie à une présence policière onusienne au Burundi.
Laurent Larcher, à Bujumbura, le 03/04/2016 à 18h14, http://www.la-croix.com
(1) Paul Kagame, le président (tutsi) rwandais, est accusé par le pouvoir burundais de préparer l’invasion du pays pour rétablir les Tutsis au pouvoir.
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