mardi 16 août 2016

Regard sur la visite du Conseiller Willy Nyamitwe au Canada: Y a-t-il de quoi pavoiser ?

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Regard sur la visite du Conseiller Willy Nyamitwe au Canada

Y a-t-il de quoi pavoiser?
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L’ABC a lu avec intérêt la communication du conseiller Nyamitwe lors de sa dernière visite au canada, sous le titre : «Protagonistes et enjeux, vus localement». Quel objet d’inspiration! Quel nombrilisme au demeurant, quand il se décrit lui-même dans les premières pages de son discours, comme un ange, contrairement dit-il, aux cornes de diable que lui font porter ses détracteurs : je ne suis pas (ndlr) «Ce personnage peint en noir avec certainement des cornes»! Aucune déception ni surprise cela dit de la part de l’ABC, puisqu’à vrai dire, on n’attendait rien de plus de la part d’un communicateur de son État, payé pour faire la publicité de l’équipe au pouvoir et nanti d’une expérience notoire en tant que chantre du pouvoir Nkurunziza; la voix de son maître.

Bref, il était dans son rôle et même dans son élément, car dans ce pays qu’il brandit comme un trophée de guerre n’appartenant qu’à la clique qui fait la pluie et le beau temps (un ministre dira par exemple que l’avion présidentiel le Falcon 50 aurait pu être donné en cadeau lorsqu’un journaliste posera la question de savoir en 2007 pourquoi l’appareil vendu à vil prix avait été ainsi bradé) https://clubbujumburanews.wordpress.com/2014/04/30/lolucome-exige-une-lumiere-sur-la-vente-de-lavion-presidentiel-le-falcon-50/, la communication sert à pavoiser plutôt qu’à entretenir honnêtement l’image et la notoriété du pays, prévenir les dérapages des gestionnaires de l'État, développer et conseiller.

Et là où le bât blesse surtout, c’est que ce puissant conseiller est peu soucieux de l’intérêt général et de la mesure: l’information contenue dans sa communication est autant mensongère que biaisée. Tous les faits qui éclaboussent le pouvoir auquel il est si attaché sont systématiquement gommés au profit des louanges sans assise, un peu comme si on voulait se défaire d’une partie de son image qui passe mal; le côté qu’on n’aime pas quoi! Là-aussi, point de blâme particulier puisque devant un public acquis à l’avance et sur un terrain conquis, on ne peut qu’épiloguer à l’envie et tout sourire autour de hauts faits du régime; un régime qu’aucune éthique n’arrête dans sa détermination à régner en maître absolu en faisant taire par n’importe quel moyen toute voix dissonante et d’où qu’elle vienne.

Le terrain conquis, c’est cette salle du Québec, où une partie des Burundais vivant au Canada et toute honte bue, affichaient une fierté sans bornes en assumant sa solidarité avec un régime honni et au banc de la communauté internationale pour les raisons suivantes et non exhaustives: balkanisation musclée et machiavélique du paysage politique, corruption érigée en mode de gestion, ethnicisation à outrance de la société burundaise, sabotage systématique des acquis de l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi, recrutement et formation militaire et idéologique des milices Imbonerakure, affaiblissement par des mécanismes de quasi-scission destructive de l’armée nationale, anéantissement par tous les moyens de l’opposition, victimisation du voisin du nord, le Rwanda accusé injustement de sabotage et de déstabilisation du régime de Bujumbura, refus systématique de toute initiative d’offre de règlement de conflits de la part de la communauté international (le refus de la MAPROBU et le rejet de la Résolution 2303 des NU prévoyant l’envoi de 228 policiers au Burundi étant à cet égard assez éloquents comme illustrations),etc. De quoi rappeler l’idée si pertinente d’Alphonse Sarr selon laquelle «La faiblesse, ne voyant autour d’elle que des ennemis, est naturellement haineuse et méchante». Pour tenter de compenser le mutisme quasi pathologique de son patron, Willy Nyamitwe émet des tweets de manière intempestive et lassante, un peu comme si être un communicateur d’un régime se limitait à tout dire de tout et sur tout.

Dans sa communication à l’intention d’une partie de la diaspora burundaise du Canada en compagnie d’un belge d’extrême droite Luc Michel lui aussi payé par le régime de Bujumbura pour soigner sa «communication», il dit avoir été un peu partout pour «expliquer les tenants et les aboutissants» de la crise que le Burundi a traversée.  Il oublie en cela ou fait semblant d’ignorer qu’un bon communicateur au sein d’un niveau de pouvoir aussi important ne se limite pas à essayer d’éteindre le feu, mais de le prévenir. L’a-t-il fait? Il ne le dit nulle part. Quand il conseille aux médias et à l’opinion canadienne, à laquelle il dit être venu «présenter l’autre image du Burundi, de favoriser une démarche réaliste basée sur le factuel», a-t-il encore oublié qu’avec le développement actuel des technologies, rien ne peut plus se passer dans le silence complet, le blackout! Et les satellites avec ces images de charniers que le terrien de burundais à la solde du pouvoir avait tout fait pour cacher urbi et orbi (à la ville et au monde)! Il ose également accuser la presse canadienne, qui est l’une des plus mesurées au monde de privilégier le sensationnel «La presse canadienne a aussi répandu (…) un flot d’informations non vérifiées, non scrutées, au profit du sensationnel et du scoop»! C’est à peine qu’il n’a pas ordonné de la mettre à feu, comme ce fut le cas des radios indépendantes du Burundi incendiées le 14 mai 2015 pour faire taire à tout jamais, les témoins gênants. Il ose, par la suite, déclarer que la sécurité est revenue sur toute l’étendue du territoire»! Ignore-t-il que les faits dont il raffole pourtant sont aussi têtus qu’une mule? Et la disparition du journaliste d’Iwacu Jean Bigirimana, l’assassinat de la députée Hafsa Mossi et du Général Athanase Kararuza sans oublier les cadavres de la Mubarazi (rivière) pour ne parler que des faits les plus récents? Et les 6000 prisonniers politiques, les 1000 jeunes fauchés dans la fleur de l’âge pour avoir eu le courage de manifester contre le troisième mandat illégal et illégitime de Nkurunziza? Quid des 270 000 réfugiés qui végètent et croupissent dans les camps de réfugiés du Rwanda, de la Tanzanie, de la RDC, de l'Ouganda et de la Zambie? Appelle-t-il ça du sensationnel?

Il faut tout de même saluer une trace d’équilibre dans sa communication! «Les Burundais de certains quartiers comme Musaga, Nyakabiga, Cibitoke, Mutakura, Ngagara et Jabe ont vécu plusieurs mois d’incertitude et d’instabilité. Certains ont dû fuir le pays tandis que d’autres ont perdu la vie, leurs biens et leur dignité». Ce fait qu’il fait, quand même, l’effort de reconnaître réussit-il à faire oublier qu’un comptable de tous ces malheurs existe? Pourtant, l’opinion publique internationale a toujours en mémoire la malheureuse sortie du président du Sénat Réverien Ndikuriyo qui, au travers des propos à peine voilés du 7 novembre 2015, avait promis des parcelles aux policiers et aux Imbonerakure qui redoubleraient d’ardeur et de détermination dans la destruction et le nettoyage de ces quartiers à majorité Tutsi et «contestaires»!  http://www.jeuneafrique.com/277636/politique/burundi-appels-a-la-haine-et-ultimatum-a-hauts-risques/  

Autre fait marquant de sa communication: des images qui abondent d’une rébellion imaginaire alors qu’il s’agit des Imbonerakure formés à Kiliba Ondes en RDC et qui seront, par la suite, transformés en chairs à canon lors de l’attaque simulée de Cibitoke en 2014! L'exercice avait pour principal mobile de faire endosser le fait par l’opposition; le nom d’Alexis Sinduhije ayant été éventé à souhait pour disqualifier ce personnage de la course politique lors des élections qui auront finalement lieu l’année suivante en l’absence de l’opposition. https://bujanews.wordpress.com/2014/10/07/les-aventures-des-jeunes-imbonerakure-bases-a-kiliba-ondes/ Le même jeu sera diligenté à la veille des élections de 2010 pour tenter de décourager et d’écarter de la course un adversaire politique redouté par le pouvoir comme Agathon Rwasa. Et quand Willy Nyamitwe indique encore que les origines de la crise ne se situent pas en 2015, il a en partie raison et ne croit pas si bien dire, car 2015 ne sera que l’étincelle qui mettra le feu aux poudres; la goutte d’eau qui fera déborder le vase. Tant est si vrai que les velléités de confiscation du troisième mandat ayant été un projet longuement et savamment conçu. Sinon, que venait faire le vote du 21 mars 2014 quand la constitution a failli être changée pour permettre au président de s’octroyer un autre mandat, n’eut été le sort qui en a décidé autrement? http://www.jeuneafrique.com/164820/politique/burundi-l-assembl-e-nationale-retoque-le-projet-de-r-vision-constitutionnelle-de-nkurunziza/

Ensuite, tel un leitmotiv, les chantres du pouvoir Nkurunziza ne cessent de rappeler que l’opposition est immature, désorganisée, etc. L’on peut se permettre de parier : si les campagnes électorales n’étaient pas systématiquement bloquées par une machine politique et policière bien huilée, si la liberté des citoyens-électeurs n’avait pas été honteusement et invariablement brimée par le pouvoir de Bujumbura, il y a des fortes chances que Willy Nyamitwe serait venu au Canada avec un autre chapeau et un sourire plus naturel et, certainement pas pour pavoiser.

Bien plus, quand il parle d’attaques à la grenade et de tueries de toutes sortes qu’il attribue à l’opposition, il semble feindre d’ignorer que tous les mouvements de bottes des agents de la police présidentielle et des Imbonerakure sont systématiquement enregistrés et pris en photo. Si donc d’aventure le dossier burundais venait enfin à s’ouvrir à la CPI, ce qui n’est, malgré tout, pas improbable, rirait bien qui rirait le dernier.

Dans l’entretemps, l’ABC se félicite de l’attitude du gouvernement canadien qui s’est montré à la fois critique et mesuré, en estimant qu’il ne serait pas responsable de diviser davantage la communauté burundaise, en recevant un représentant d’un pouvoir aussi controversé. « Toute tentative des autorités [burundaises] de déplacer le débat au Canada représenterait une distraction regrettable, inutile et inopportune » dira le ministre des affaires étrangères, Stéphane Dion.  
http://plus.lapresse.ca/screens/62e95c88-0ac0-4e81-bd4c-da2d7642a2f1%7C_0.html. Nous rappellerons, à toutes fins utiles, que ce même gouvernement avait pris la magnanime décision de rejeter les élections truquées qui légitimaient en quelque sorte le 3e mandat illégal.

Par ailleurs, outre la présence de quelques fervents sympathisants et thuriféraires du régime, la majorité des Burundais, l'ABC incluse, avaient boudé l’événement. Cette « méga-autorité»; le Monsieur Communication  de l’état burundais, n’a pu ni mobiliser une grande foule ni rencontrer aucune autorité de l’état canadien à quelque niveau que ce soit, pour faire entendre un autre son de cloche comme il le prétendait; un vrai fiasco quoi!

Autre épine dans le pied du gouvernement burundais, alors que ce fameux conseiller avait comme mission de masquer les crimes du pouvoir, le Comité contre la torture de l'ONU vient plutôt de présenter un rapport très accablant sur le Burundi et enjoint du coup les autorités burundaises d'ouvrir des enquêtes indépendantes et impartiales sur des exécutions extrajudiciaires et des cas de torture commis par les forces de sécurité burundaises.


Cet article est également disponible sur le site web de l’ABC à l’adresse suivante :
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©Alliance des Burundais du Canada, ABC, le 13 août 2016


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