dimanche 24 avril 2016

Le prix Aurora remis à la Burundaise Marguerite Barankitse

Lauréate du prix Aurora for Awakening Humanity, décerné dimanche 24 avril à Erevan, la présidente de l’association Maison Shalom réclame le déploiement de casques bleus pour protéger les civils et prévenir une guerre civile.

« Si je n’étais pas chrétienne, je me serai suicidée », lâche Marguerite Barankitse, présidente et coordinatrice de Maison Shalom, devant un parterre d’anciens Prix Nobel de la paix, d’universitaires, diplomates et activistes des droits de l’Homme réunis à Erevan. « Rien ne remplace l’amour et le pardon ».

Le prix Aurora, décerné pour la première fois, dimanche 24 avril, à Erevan, au nom des survivants du génocide arménien, récompense l’humanitaire Burundaise, déjà auréolée par de multiples distinctions à travers le monde. Le jury de neuf membres, coprésidé par George Clooney et Elie Wiesel, a voulu attirer l’attention sur le Burundi, ce petit pays enclavé et surpeuplé qui risque une nouvelle fois de sombrer dans l’anarchie.

« L’ange du Burundi »

Le risque du chaos, Marguerite Barankistse, 60 ans, « l’ange du Burundi », en sait quelque chose. Le 17 juin 2015, menacée de mort, elle a quitté Bujumbura, après s’être caché un mois dans une chambre, chez l’ambassadeur de Belgique qui lui donnait refuge. Vingt-deux ans plus tôt, en octobre 1993, dans le Burundi déchiré par la violence, Marguerite Barankitse assiste chez elle, à l’assassinat de soixante-douze de ses amis, dans les collines de Ruyigi.

De cette tragédie naît une vocation : elle sauve vingt-cinq enfants des massacres et fonde avec eux la Maison Shalom, une « famille reconstituée » qui apporte aux orphelins l’éducation, la santé et l’environnement familial nécessaire pour grandir loin de la haine de l’autre.

Vingt-deux ans après, le climat de répression qui sévit au Burundi rappelle les périodes précédant la guerre civile des années 1990. Le pays a replongé dans la crise en avril 2015, quand le président Pierre Nkurunziza a annoncé qu’il solliciterait un troisième mandat, contrairement à l’accord d’Arusha, signé en 2000, qui a mis fin à la guerre civile et n’en prévoit que deux.

La population vit dans la peur

Depuis, la population vit dans la peur des enlèvements, de la torture, des assassinats ciblés et des exécutions extrajudiciaires qui ont succédé aux manifestations brutalement réprimées du printemps 2015. Dans les campagnes, la famine menace.

Les violences ont déjà fait plus de 500 morts et poussé près de 300 000 Burundais à quitter le pays dans une fuite silencieuse vers la Tanzanie, le Rwanda, l’Ouganda, la République démocratique du Congo, le Kenya et la Zambie.

Les interventions de l’Union européenne, de la Belgique, des États-Unis, les avertissements de l’Union africaine et les froncements de sourcils des Nations unies n’ont rien donné. Le conflit politique risque de dégénérer en guerre ethnique entre Hutus et Tutsis.

Inquiète de l’attentisme de la communauté internationale, Marguerite Barankitse tire la sonnette d’alarme. « Chacun se défausse au lieu d’agir pour empêcher la catastrophe. L’Union européenne affirme que la question relève de la compétence de l’Union africaine, l’Union africaine sollicite la Communauté des États d’Afrique de l’Est. La médiation internationale doit se poursuivre pour obliger le président Nkurunziza à respecter la Constitution et l’accord d’Arusha. Il faut protéger les civils avec des soldats de maintien de la paix. Sinon, ce sera une nouvelle guerre civile. 60 % de la population burundaise a entre 18 et 35 ans. Tous ces jeunes, sans espoir et sans travail, n’ont plus rien à perdre. L’inaction internationale va les pousser à prendre les armes pour se défendre contre la tyrannie ».

Un combat poursuivi en exil

Désormais, c’est en exil, à partir du Rwanda, que « Maggy » poursuit son combat pour la dignité au profit des réfugiés du Burundi, en particulier dans le camp de Mahama, peuplé en majorité de Hutus.

Au Burundi, le gouvernement a fermé toutes les activités de son organisation : les écoles d’infirmières, l’hôpital, la distribution de micro-crédits pour aider les mères d’enfants en bas âge à développer des projets dans la capitale et les trois provinces à l’est du pays, les 27 coopératives de production agricoles. « Des enfants sont morts dans les couveuses quand les autorités ont coupé l’électricité », raconte Marguerite. « Le gouvernement a bloqué les comptes bancaires de Maison Shalom et mon compte personnel. Et les autorités ont émis contre moi un mandat d’arrêt international pour outrage à la magistrature suprême, insurrection et crime contre l’humanité ».

Dans un pays où les Hutus représentent 85 % de la population et les Tutsis 14 %, Marguerite Barankitse accuse le président Nkurunziza de jouer délibérément la carte ethnique. « Le président a besoin d’un bouc émissaire pour justifier sa politique de répression », explique la fondatrice de Maison Shalom.

« Son deuxième vice-président, son porte-parole et ses ministres l’ont quitté, parce qu’il violait la Constitution et les accords de réconciliation d’Arusha. Hutus et Tutsis se sont dressés ensemble contre lui. Aujourd’hui, Pierre Nkurunziza cherche à démontrer que cette opposition ne serait que le reflet de la nostalgie des Tutsis pour le pouvoir ».

« Il faut savoir pardonner et rester humble »

À Bujumbura, les forces de l’ordre ciblent les quartiers à majorité tutsie, à la recherche des « criminels armés ». Le 15 avril dernier, le gouvernement a annoncé la mise à la retraite de 700 militaires tutsis. Plus de 5 000 miliciens auraient été recrutés pour être formés au Congo par les Interahamwé, les anciens miliciens hutus génocidaires du Rwanda.

À la radio, le gouvernement utilise le même discours de haine qu’au Rwanda pendant le génocide de 1994 en incitant les Hutus à « commencer le travail » contre les « chiens errants ».

« En 1993, répète la toujours rebelle Marguerite Barankitse, j’ai protégé des gens qui avaient participé au massacre de ma famille. Il faut savoir pardonner et rester humble, à l’écoute des petites gens. Aujourd’hui, je suis en colère mais c’est une Sainte colère. Je ne me tairais pas pour mes enfants et pour mon pays, le Burundi. Je dérangerai tout le monde. Déranger, surprendre, étonner et s’émerveiller : c’est une belle et noble lutte pour la dignité. Nous ne nous laisserons pas humilier ».

François d’Alançon, à Erevan, Arménie, le 24/04/2016 à 15h55, http://www.la-croix.com

1 commentaire:

  1. Bravo chère "Maggy"! Courage pour ce combat noble qui met en avant l'amour et le pardon. Un jour, ces derniers devienront une réalité et le Burundi ne sobrera plus...

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