vendredi 8 avril 2016

Et si la Belgique avait colonisé le Burundi ? (par Ambassadeur Tharcisse Ntakibirora)

Je pose cette question qui vaut son pesant d’or, pour laisser les imaginations fertiles filer bon train. Après avoir trituré vos neurones, caressé divers scénarios aussi vraisemblables les uns que les autres, envisagé même les plus invraisemblables, votre esprit sera inondé par maints propos distillés au cours des années par une lignée de journalistes praticiens des stéréotypes, spécialistes de répétitions globalisantes ou fervents adeptes de faciles raccourcis.

En bref, les medias nous ont fait accroire que tous les peuples noirs d’Afrique ont invariablement subi esclavage, asservissement et colonisation par les Blancs. Vous vous souviendrez de certains discours de nos propres Chefs d’État, censés être toujours préparés avec le plus grand soin, faisant allusion au « passé colonial » du Burundi et vilipendant les « colonisateurs » pour les divers malheurs qui ont assailli le Burundi y compris pour nos propres bêtises. Vous reviendrez de la stratosphère pour atterrir sur l’évidence que la Belgique n’a jamais colonisé le Burundi. Ses agents se sont-ils parfois comportés comme de vilains colons ? Je n’en disconviens pas. Le contraire aurait été plus qu’étonnant. Mais ce faisant, agissaient-ils ainsi sur instructions de leur gouvernement ? Cela n’est pas établi. 

De ce fait, il n’est pas approprié de clamer que la Belgique en tant qu’État s’est transformée en colonisateur du Burundi. Moi je répète très fièrement à mes interlocuteurs depuis bientôt quarante ans que l’Afrique compte seulement trois pays (3) qui n’ont jamais été colonisés : le Burundi, le Rwanda et l’Éthiopie. Ces nations ont certes entretenu des rapports administratifs mouvementés, parfois houleux, respectivement avec la Belgique en ce qui concerne le Rwanda et le Burundi et avec l’Italie pour le cas de l’Éthiopie. Mais elles n’ont jamais été subjuguées par le moindre lien de colonisation. Permettez-moi de concentrer mon propos sur le cas du Burundi.

De 1885 à 1903, les Allemands ont tenté, en vain, de plier le Burundi sous leur giron. Leur laborieuse tentative d’asservir ce pays n’a jamais abouti. Elle est restée juste cela : une âpre mais infructueuse tentative de colonisation. Les troupes allemandes se sont heurtées à la farouche résistance et à la lutte héroïque des troupes du Mwami Mwezi IV Gisabo (1850-1908) mobilisées contre leur installation en terre du Burundi, qui leur ont infligé de cuisants échecs. L’armée royale a déployé flèches, lances et une savante stratégie du terrain et de la langue pour freiner les ardeurs des forces allemandes équipées pourtant de mousquets à charge unique, puis de mitraillettes et de mortiers particulièrement dévastateurs. Les assauts des troupes des Commandants Werner Von Grawert et puis de Robert Von Beringe ont failli mettre à genoux le Roi Mwezi Gisabo. Rien n’y fit. Les allemands durent se rendre à l’évidence que les Barundi étaient un peuple spécial, nanti de structures de gestion territoriale et d’administration sociale solides, et dirigé un peu comme, et à certains égards mieux que plusieurs monarchies de l’Europe médiévale. Il ne fallait donc pas cultiver la chimère de les coloniser, mais plutôt établir un partenariat pour un avenir qui serait mutuellement avantageux. C’était la seule façon honorable de mettre fin à l’affreuse guerre contre les troupes du monarque burundais, et de s’installer durablement dans cette partie encore non exploitée de l’Afrique.

Les Allemands n’auraient probablement jamais réussi leur grand plan, s’ils n’avaient pas exploité les dissidences internes et rébellions d’une dizaine de princes contre le Roi Mwezi IV Gisabo, avec en tête les princes Kirima et Maconco. Cette stratégie allemande de diviser pour mieux régner fût gagnante pour eux. Le Roi s’est plié aux suppliques des Princes Ntarugera et Rugema, ses fils restés fidèles, pour signer le Traité de Protectorat à Kiganda (actuelle province Muramvya) le 6 juin 1903. Par cet accord, le Roi a volontairement accédé au cessez-le-feu, épargnant ainsi des vies parmi ses vaillants sujets, sans concéder son autorité sur le Burundi. Cet « Accord de protection » et non de colonisation a été le premier acte de diplomatie entre l’Empereur Guillaume II d’Allemagne et un Roi africain, reconnaissant que son pays n’était pas à coloniser. Car pour coloniser un territoire, nul besoin d’enregistrer des signatures de plénipotentiaires. Le plus fort prend, le faible s’agenouille et s’exécute. L’arrangement visait à « protéger » le Burundi contre les Anglais, Belges, Français et Portugais qui écumaient le continent à la recherche de terres à exploiter et d’esclaves à exporter vers les Antilles et les Amériques. Certes, l’Accord a mis fin à la suprématie du Roi du Burundi sur l’entièreté du pays du fait qu’il a octroyé les territoires de Bukeye et de Muramvya respectivement aux Princes Kirima et Maconco, qui devaient se rapporter aux seuls allemands et non au Roi du Burundi. Cela représentait moins de 1% du territoire national. Cette situation a placé le Burundi en virtuel démembrement qui ne perdurera pas aux Princes dissidents. Cela étant, je souligne que les Princes Kirima et Maconco n’avaient pas consulté leurs sujets avant de brûler la politesse au Roi du Burundi, et de le trahir pour satisfaire leurs uniques intérêts.

Quand le Roi Mwezi IV Gisabo accepta l’autorité allemande sur le Burundi, il dut payer certaines redevances pour compenser le Reich allemand pour ses pertes militaires (amende de 424 têtes de bétail). A tout considérer, ce règlement était plus politique et symbolique qu’autre chose. Le Roi s’engagea à ne plus entraver la mission civilisatrice et accepta de garantir le libre exercice du culte catholique, à faciliter la circulation des caravanes de missionnaires, et à fournir gratuitement les travailleurs pour la construction des routes. Mais au fond, qu’y avait-il de mal à mobiliser son peuple pour le développement de leur pays ? N’était-ce pas là le précurseur original des programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre tant prisés de nos jours par les institutions de Bretton Woods?

En contrepartie, le Roi reçut un drapeau allemand et une lettre de protection avec un poste d’askali (militaire/umusirikali) dirigé par un capitaine allemand pour sa protection personnelle. L’étendard du Roi flotta de tandem avec le drapeau allemand. Nonobstant le fait que les chefs Kirima et Maconco n’obéissaient désormais qu’à la station allemande d’Usumbura (devenu depuis Bujumbura), Mwezi fut maintenu Roi du Burundi. Kirima et Maconco dirigeaient localement, le Roi régnait globalement.

Cette soumission du Roi a été interprétée comme une perte de sa suprématie et de la souveraineté du pays. Il n’en a rien été. La sacralité du Roi était fragilisée et remise en question par certains Princes dissidents mais incontestée par le petit peuple sur tout le territoire – le Burundi a continué d’évoluer et de vibrer au rythme des rites royaux d’Umuganuro/fête des semailles. Force est de constater que dans sa course aux colonies, l’Allemagne avait certes décroché un protectorat, mais n’avait pas eu le temps de mettre en place la structure appropriée pour asseoir son autorité sur toute l’étendue du territoire nouvellement acquis. Son administration indirecte reposait lourdement sur la structure administrative plus pérenne établie par la monarchie burundaise, qui tranchait avec l’instabilité des fonctionnaires allemands qui ont œuvrés successivement au Burundi.

Le Roi Mwezi Gisabo est mort en 1908. Ses successeurs Mutaga IV Mbikije (1908-1915) et Mwambutsa IV Bangiricence (1915-1966) étaient tous les deux mineurs quand ils ont accédé à leurs hautes charges. Selon la coutume, ils furent pris en charge par leurs oncles les Princes Ntarugera et Nduwumwe, de concert avec la Reine Mère Ririkumutima. Ces personnalités ont laissé la monnaie allemande (le heller –amahera) s’implanter dans l’économie burundaise et ont accentué le traçage de quelques pistes reliant des centres importants. Le Roi régnait sur tous les burundais, toutes ethnies confondues. Aux Allemands revenait le développement économique.

Sur ces prémices, l’Allemagne était entrée en guerre en juillet 1914. Le Burundi a contribué à ses campagnes militaires comme partenaire et allié, par la force des choses, en vertu de son statut de Protectorat. Cependant, la coalition des forces anglaises, belges et portugaises a eu raison de l’Allemagne en Novembre 1916. Le sort des territoires sous administration allemande sera réglé lors de la Convention de Versailles de 1919 réunissant les Puissances Alliées de la Première Guerre mondiale. Le Territoire du Ruanda-Urundi sera placé sous le mandat de la Société des Nations (SDN) –nouveau cadre de concertation des Alliés. Au départ, le mandat sur le Ruanda-Urundi avait été confié à la Grande Bretagne. Après mûre réflexion, c’est à la Belgique que revint en 1922 la charge d’assurer ce mandat. La Belgique était présente au Congo, propriété privée du Roi Léopold II depuis 1802, et qu’il avait légué à son pays à partir du 15 novembre 1908. Le rôle du mandataire était d’amener le Burundi vers une plus grande autonomie et ultimement à recouvrer son indépendance.

Chaque année, la Belgique devait rendre compte de sa gestion au Comité des Mandats de la Société des Nations. En parcourant ses rapports de 1923 à 1945, je puis vous assurer que les Puissances Alliées ont joué avec grande autorité leur rôle de mandants et que la Belgique devait suivre à la lettre leurs remarques et recommandations. La différence entre un État mandataire devant rendre compte à une autorité supérieure par opposé à un État colonisateur ne rendant compte à personne est loin d’être banale. Elle est hautement significative. Si la Belgique faisait comme bon lui semblait au Congo, il ne pouvait en être ainsi au Burundi.

Le statut de mandat courra ainsi jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, à l’issue de laquelle les Pouvoirs Alliés ont créé l’Organisation des Nations Unies (ONU) en juin 1945 à San Francisco (USA), en remplacement de la SDN. Parmi les organes de la nouvelle organisation, figurait le Conseil de Tutelle en charge de prendre en mains le devenir des territoires administrés antérieurement par la SDN et autres territoires non encore autonomes. Ce régime concernait tous les pays et territoires encore en voie d’autodétermination. Comme sous la SDN, la Belgique héritait de la tutelle sur le Burundi et devait rendre compte chaque année au Conseil de Tutelle, sur les pas franchis pour amener ce territoire vers son autodétermination. L’analyse de son rapport annuel était publique et des représentants du territoire sous tutelle étaient les bienvenus pour avancer leurs points de vue et participer au débat. Ils ont régulièrement profité de cette opportunité.

Durant les réformes des années 1930, dans une drôle de stratégie jamais justifiée, l’administration belge a choisi de coopérer avec les Tutsi, généralement de grande taille, estimant que ces derniers semblaient les plus aptes pour les épauler dans l’administration du territoire. Les administrateurs belges estimaient que les Hutu, généralement de courte taille, étaient bons pour les travaux agricoles. Les Tutsi étaient des pasteurs éleveurs de bétail. Hutu et Tutsi entretenaient des rapports de bon voisinage et d’intenses échanges économiques bénéfiques pour toutes les parties. Les Belges ont formé beaucoup de cadres Tutsi et négligé des Hutu méritants, ce qui créa quelque ressentiment compréhensible de la part de ces derniers. En 1955, lorsque le vent des indépendances a soufflé sur l’Afrique et l’Asie, le réveil des Belges fut brutal. Naturellement, ce seront les élites Tutsi formées qui réclameront leur départ. Notez que ce favoritisme pro-Tutsi était exercé par le pouvoir tutélaire, sans consulter les Tutsi, sans requérir leur consentement. Quand des Tutsi attirent la colère de certains dirigeants Hutu, sur base de ce travers de l’histoire dont ils ne sont ni auteurs ni co-responsables, il faut souligner le caractère criminel de cette approche.

Il se fait qu’un phénomène ahurissant que les Hutu ont appelé « Révolution sociale » venait d’imploser le tissu social au Rwanda voisin depuis le 1er Novembre 1959. Les militaires belges sous la houlette du Colonel « Guy » Logiest de triste mémoire venaient de participer au génocide des Tutsi au Rwanda. L’Église catholique de l’archevêque André Perraudin s’en est mêlée, soi-disant pour appuyer la démocratie. Par milliers, des Rwandais d’ethnie Tutsi ont fui leur pays pour sauver leurs vies. Ils ont massivement pris refuge dans les pays voisins. C’était la première vague de réfugiés dans la région des Grands Lacs africains. Le Burundi en a accueilli des centaines de milliers. Malheureusement, ce ne sera que la première d’une triste série à suivre. Dans l’entretemps, le Rwanda s’est confortablement installé dans une République Hutu repoussant toute tentative de retour des réfugiés Tutsi qu’ils appelaient dédaigneusement « cancrelats» (Inyenzi).

La tutelle belge a financé à profusion des partis politiques Hutu et organisé un Front Commun de partis politiques à obédience Hutu au Burundi en vue de barrer la route du Parti pro-indépendantiste de l’Unité et du progrès national (UPRONA) fondé par le Prince Louis Rwagasore en 1958. Entre la fin 1959 et la fin 1961, 26 partis politiques ont été agréés par l’administration tutélaire. La Belgique a ainsi encouragé la féroce dualité entre « démocrates » et « indépendantistes ». Les dissensions allèrent crescendo entre les deux fractions appelées «Clan Casablanca» réunissant des Tutsi avertis, traumatisés par les événements du Rwanda et décidés à défendre avec la dernière énergie leur droit à la vie, et « le clan Monrovia » groupant les Hutu désireux de se secouer du joug des Tutsi, s’alliait aux Tutsi modérés conscients de l’aspiration légitime pour la promotion inéluctable de l’ethnie majoritaire.

Ce qu’il vaut la peine de souligner, c’est que l’UPRONA était le creuset des indépendantistes, toutes ethnies confondues. Le Résident-Général Jean-Paul Harroy commit l’erreur stratégique irréparable de neutraliser et de confiner le Prince Louis Rwagasore en résidence surveillée à Bururi du 27 octobre au 9 décembre 1960 (en pleine campagne électorale). D’énormes fraudes organisées avec le concours de l’administration belge ont permis aux partis Hutu de remporter haut la main les élections communales de mars 1961. Suite à de multiples réclamations et contestations, l’ONU a envoyé une mission de vérification dirigée par l’ambassadeur Max H. Dorsinville (Haïti). Les vérificateurs ont invalidé ces élections et ont décidé de reporter pour septembre 1961 les législatives initialement programmée pour le mois de mai 1961. L’ONU voulait permettre une élection apaisée, sous observation internationale, élection que l’UPRONA a remportée par un incontestable raz-de-marée le 18 septembre 1961. Devenu Premier ministre le 29 septembre 1961, le Prince Rwagasore sera assassiné le 13 octobre 1961. Le Roi montra sa grandeur d’âme en appelant le peuple au calme et l’intimant de s’interdire toute tentation de revenge.

Toutes les enquêtes ont pointé vers l’implication de la tutelle belge dans cet acte ignoble d’opposer les Princes Charles Biroli et Jean-Baptiste Ntidendereza à leur cousin le Prince Louis Rwagasore. Le chef Pierre Baranyanka, patriarche de la lignée dynastique des Batare, avec d'autres représentants du Parti Démocrate-Chrétien (PDC) créé en février 1960 furent pointés du doigt pour cet assassinat. Le tueur à gages grec du nom de Kageorgis sera fusillé le 30 juin 1962. Les co-auteurs seront jugés, se pourvoiront en appel mais finiront pendus sur la place publique à Gitega le 15 janvier 1963. Lorsque le Burundi est devenu indépendant le 1er juillet 1962, le drapeau belge descendant a croisé le drapeau burundais ascendant pour le remplacer au pinacle du mât. Ce drapeau était orné de nos couleurs rouge, blanc et vert, avec au milieu le tambour royal orné d’une couronne constituée de deux épis de sorgeau (amahonda). La devise nationale était « Imana, Umwami, Uburundi » (Dieu, le Roi, la Patrie). Toute une symbolique marquant l’alliance entre la monarchie de droit divin et le peuple. Entre temps, le Roi Mwambutsa IV avait mûri. Il avait voyagé en Europe et y avait emprunté les meilleures pratiques. Il régnait mais ne dirigeait pas. Pour diriger le gouvernement, Sa Majesté nommait comme bon lui semblait ses Premiers Ministres alternativement entre Hutu et Tutsi. Le Parlement et l’armée étaient à majorité hutu. Et le Conseil de la Couronne, l’organe politique suprême, était équilibré. Cela n’empêchera pas l’assassinat du très modéré Premier ministre Hutu Pierre Ngendandumwe, le 15 janvier 1965 des mains d’un réfugié rwandais travaillant à l’ambassade américaine à Bujumbura. Là encore, le Roi fit preuve de grand leadership. Sa Majesté consola la famille éprouvée et appela tout son peuple au calme.

Malgré cela, s’inspirant du mauvais modèle rwandais, des dirigeants politiques Hutu ont commencé, mais tragiquement mal terminé des mésaventures insurrectionnelles au Burundi en 1965 et en 1969. Le coup du 18 octobre 1965, dirigé par Joseph Bamina et 22 officiers Hutu a lamentablement échoué. L’attaque du Palais Royal par quelques gendarmes et militaires Hutu fut virulente et le Roi ne dût sa vie que grâce à l’intervention du Colonel Verwayen, Commandant de la base des forces armées. Pendant ce temps, d’autres insurgés Hutu, sous la houlette de Paul Mirerekano, prirent la direction de Bukeye où ils massacrèrent nombre de familles tutsi de la localité de Busangana. Les présumés auteurs furent jugés par le Conseil de Guerre dans le dossier RMP 35.317/Buja du 25 octobre 1965 et par la suite passés par les armes. Le Conseil décida également de saisir les biens des coupables et d’utiliser le produit de la vente de ces biens pour indemniser les victimes de Busangana. Le montant s’élevait à 5.520.000 francs, soit 61.333 US $ (le dollar valait 90 Franc Bu). Le Roi quitta le Burundi pour ne plus jamais revenir.

Sur instigation de l’équipe autour de Michel Micombero (un Tutsi), le Prince Charles Ndizeye fût rapatrié avec l’intention de l’utiliser pour détrôner son père le Roi Mwambutsa IV. Ce qui fut fait le 8 juillet 1966 et le Prince innocent prit le nom dynastique de Ntare V. Il ne régna que trois mois car Micombero le renversera à son tour le 28 novembre 1966. Deux faits significatifs marqueront ce passage de la monarchie au régime républicain sous forme de dictature militaire. Micombero remplacera le tambour royal sur le drapeau du Burundi par trois étoiles, comme celles qu’il étrennait sur ses épaulettes de capitaine. La devise nationale passera à « Unité, Travail, Progrès ». Pour prévenir des dérapages comme le coup d’octobre 1965, quelques officiers de Bururi mirent en place la « Tutsisation » des postes d’officiers, qui glissera progressivement vers la « Bururisation », le tout sans aucun mandat. Le pluralisme politique en vigueur depuis l'indépendance, le sénat, le parlement et tous les partis d'opposition furent supprimés. L’UPRONA fut instauré en Parti-État pour verrouiller l’espace politique.

Cela n’empêchera pas la « découverte » d’un complot hutu dans la nuit du 16 au 17 septembre 1969, qui fut le prétexte invoqué pour « résoudre » le problème hutu. Parmi les personnes arrêtées, 23 seront par la suite exécutées. D’autres personnes furent condamnées à terme ou acquittées. Selon l’acte d’accusation, les inculpés auraient été membres actifs de l’Association des Étudiants Bahutu, et de connivence avec les syndicats chrétiens belges mais l’opinion de tous les observateurs impartiaux penchait vers un procès préfabriqué. Ils avaient été assistés par l’avocat belge Maître Vander Planken, celui-là qui avait représenté les inculpés dans l’affaire Rwagasore. Bruxelles, Rome, Washington sont intervenus sans succès. Cet incident va mettre à rude épreuve les relations belgo-burundaises. L’Ambassadeur de Belgique, le Général Édouard Henniquiau sera déclaré persona non grata et expulsé, malgré ses relations plutôt amicales avec Micombero. L’ambassadeur était accusé d’avoir soutenu le complot qui visait à renverser le gouvernement et les institutions établies de la République du Burundi. Le ministre belge des Affaires étrangères rejeta les accusations portées par le gouvernement burundais. Dans une interview exclusive que le Roi Mwambutsa IV a donné aux journalistes Jean Wolf et E.X. Ugeux, le monarque indiqua qu’il n’avait « absolument rien à lui –l’ambassadeur Henniquiau- reprocher, sinon que « tout en étant sans doute un excellent militaire, il n’avait pas la souplesse et la discrétion d’un diplomate de carrière ».

Comme pour faire bonne mesure, le régime Micombero opéra des arrestations et emprisonnements d’officiers et civils Tutsi originaires de Jenda et Muramvya en 1971, accusés d'atteinte à la sûreté de l'État et de tentative de renverser les institutions établies. La parodie judiciaire du procès du Major Jérôme Ntungumburanye et ses codétenus polarisa l’attention des Burundais et de la communauté internationale. Les pressions interne et externe, mais surtout la bravoure du Procureur Léonard Nduwayo -pourtant de Bururi- qui démontra que ce procès était monté de toutes pièces, feront que nombre de ces prisonniers échapperont au peloton d’exécution. Cette fois-ci, Micombero exerça son droit de grâce et commua les peines capitales en peines de prison. Ce fut le second sujet de ressentiment de la part de certains Hutu qui considéraient que la justice burundaise pratiquait deux poids et deux mesures.

Le 29 avril 1972, des hordes de rebelles Hutu ont envahi le Burundi depuis la Tanzanie et le Congo, pour massacrer des Tutsi. Des tracts appelant « au travail » disaient ceci : « Debout tous comme un seul homme. Armez-vous de lances, de serpettes, de machettes, de flèches et de massues et tuez tout Tutsi où qu’il se trouve ». Dans la pagaille, l’information d’État pointa du doigt les monarchistes, puis les tribalistes sans plus de précision. Finalement, le gouvernement comprit qu’il s’agissait d’un complot Hutu pour massacrer les Tutsi. Si au départ seuls les coupables ont été punis et les innocents n’étaient point inquiétés, par la suite l’armée a ratissé large. La répression militaire qui a suivi a été féroce. Les opérations étaient menées par des officiers Tutsi principalement en provenance de Bururi, sans mandat de la communauté Tutsi, de l’État-Major de l’Armée ou du Parlement du pays. Durant cette tourmente, beaucoup d’intellectuels Hutu ont été emportés, comme victimes collatérales. Tout s’est passé alors que le Burundi venait de reconnaître la Chine et de chasser Taiwan de l’ONU. L’Ouest a crié au communisme. La main du gouvernement américain a été pointée du doigt. Son ambassadeur Paul Melady sera déclaré persona non grata. Deuxième plénipotentiaire étranger à subir pareil sort au Burundi.

Le génocide au Burundi est une sale réalité, peu importe qui y pose son regard. Il faut se garder de le galvauder. Les historiens J.P Chrétien et J.F Dupaquier dans « Burundi 1972 : Au bord des génocides » ont bien vérifié l’authenticité du document d’indoctrination en kirundi qui appelait au génocide contre les Tutsi en 1972 et ils ont aussi écrit que la mobilisation pour tuer les Tutsi en 1972 s’était faite à travers tout le pays. Toutes tentatives de l’escamoter, de le nier ou le galvauder ne font qu’exacerber la haine et le ressentiment dans le cœur des rescapés, et de leur progéniture. Nous n’avons pas le droit de prolonger l’angoisse de jeunes générations des Hutu et de Tutsi qui aspirent à connaître la vérité. Cessons de multiplier les génocides au Burundi, n’en rajoutons pas alors que ceux qui ont véritablement endeuillé notre patrie n’ont toujours pas été réprimés. Réclamons la Commission Vérité et Réconciliation avec un volet Justice afin que les auteurs soient confondus et que justice soit faite. Même Wikipédia offre des pistes pour les deux génocides qu’il a recensés. Il en indique les auteurs mieux que les Rapporteurs spéciaux de l’ONU qui se sont succédé au chevet du Burundi.

Dans mon cri d’indignation contre le galvaudage de l’effroyable réalité du génocide pour des raisons politiques, j’ai épinglé les manquements graves des Rapporteurs Spéciaux de l’ONU Nicodème Ruhashyankiko (Rwanda), et Benjamin Whitaker (UK) respectivement en 1978 et en 1985. Le premier n’a pas cru opportun de qualifier les événements de 1972 au Burundi, dans un sens ou dans un autre. Pouvait-il le faire sans revenir sur celui qui avait frappé les Tutsi dans son propre pays en 1959, puis en 1973? Le second a professé ex-cathedra, dans le cadre de son étude sur le génocide arménien, « le massacre des Hutus par les Tutsis au Burundi en 1965 et en 1972 ». Sans qualifier ce massacre, sans explication aucune. Qu’en a-t-on fait? Rien. Absolument rien! L’impunité s’est implantée dans notre pays comme une culture de société.

Ainsi, ce scénario macabre d’attaque-répression se répétera le 15 août 1988. Des assaillants Hutu en provenance du Rwanda ont semé la désolation dans les communes de Ntega et Marangara dans le Nord-Est du pays. Encore une fois, la répression a été démesurée. Les chancelleries européennes ont réclamé des explications. Pendant toute une semaine, l’ambassadrice du Canada Mme Colleen Cupples, ayant résidence à Nairobi, a journellement campé devant mes bureaux. J’étais Directeur général au ministère des relations extérieures et de la coopération, chargé des relations avec l’Europe, l’Amérique du Nord et les Organisations internationales. Elle clamait que les militaires burundais avaient utilisé du napalm pour empêcher des insurgés défaits de se replier sur le Rwanda, et que certains corps avaient été retrouvés criblés de balles dans le dos. Face à la pression, le ministre Cyprien Mbonimpa, et mon collègue Alphonse Barancira, Directeur général a.i du Département Afrique, et moi-même nous sommes rendus à Ntega par hélicoptère. Les Colonels Stanislas Mandi et Daniel Nengeri nous ont fait visiter les hôpitaux. J’ai vu de mes propres yeux des centaines de bébés, de jeunes mamans, de vieillards Tutsi mutilés atrocement par les criminels venus du Rwanda. Quand je suis retourné à Bujumbura, choqué pour la vie, avec une des machettes saisies, tâchée du sang des innocents, ma rencontre avec l’ambassadrice du Canada a eu un tout autre ton. Je n’accepterai plus les protestations contre la soi-disant « répression sauvage par l’armée» en août 1988. Que faisaient ces rebelles cinq minutes avant de recevoir des balles dans le dos ? Ils massacraient à tour de bras poupons, nourrissons, jeunes, femmes, vielles et grabataires vieux Tutsi.

En ce qui concerne le génocide occulté de 1993, le rapport de la Commission Internationale d’Enquête Judiciaire des Nations Unies pour le Burundi conclue en son paragraphe 483 ce qui suit : « La Commission estime que les éléments de preuve dont elle dispose suffisent à établir que des actes de génocide ont été perpétrés au Burundi contre la minorité tutsie le 21 octobre 1993 et les jours suivants à l’instigation et avec la participation de certains militants et responsables hutus du Frodebu, y compris au niveau des communes. » Pour l’intégralité du Rapport commandité par le Conseil de Sécurité par sa résolution 1012/95, voir note en bas de page.

Depuis que ce rapport a été déposé, les gouvernements successifs au Burundi ne l’ont jamais exploité. Le Conseil de sécurité de l’ONU non plus. Et pour cause, puisque les dirigeants du pays concerné semblaient confortables dans leur mutisme malgré les terribles conclusions du rapport. Et lorsqu’ils se réveillent 23 ans plus tard, ils posent la question pertinente des responsabilités de ce drame. Mais ils se répondent immédiatement, au lieu d’interroger les témoins et exploiter les rapports appropriés. Ils pointent du doigt dans toutes les directions, pour mieux égarer l’opinion du petit peuple souverain qui les a mis au pouvoir.

Le Président Melchior Ndadaye a été assassiné par des soldats mécréants Hutu et Tutsi confondus. Le cri de ralliement lancé par Dr Jean Minani à partir de Kigali, adressé au peuple Hutu avec le slogan mobilisateur « Haguruka murwanire demokarasi yanyu » (levez-vous et battez-vous pour votre démocratie) a ouvert les vannes d’un massacre à large échelle. La justification post-mortem d’ «agashavu » (la petite colère) formulée par Sylvestre Ntibantunganya un peu plus tard ne tient pas la route. Feu Mechior Ndadaye était le Président de tous les Burundais, pas des Hutu uniquement. Pourquoi des nourrissons, vieillards et vielles Tutsi devaient-ils être exterminés par des hordes de tueurs Hutu parce que des criminels militaires (Hutu et Tutsi) avaient lâchement assassiné le Chef de l’État? Ces pauvres victimes ne les avaient pas mandatés à cet effet. La responsabilité des Présidents ayant dirigé le Burundi depuis la date du dépôt du rapport S/1996/682, qu’ils soient putschiste, terroristes génocidaires ou rebelles convertis, est sérieusement engagée. Pour avoir failli de mobiliser le peuple autour du ‘’PLUS JAMAIS ÇA’’, tous nos dirigeants de 1965 à nos jours (Hutu et Tutsi confondus) portent de lourdes responsabilités devant l’Histoire.

En ce qui concerne le Président Cyprien Ntaryamira, voici ce qui s’est passé. Ce dernier et son homologue rwandais ont passé la journée du 4 avril 1994 à Gdadolité en conférence avec leur confrère le Président Mobutu Sese Seko du Zaïre. A l’issue de ce sommet, le Président rwandais invita son collègue burundais à voyager à bord de son Dassault Falcon 50, afin qu’ils puissent poursuivre la discussion durant leur vol retour. Dans le sillage du Falcon présidentiel rwandais, suivait le jet du président du Burundi pour récupérer ce dernier à Kigali et poursuivre la route sur Bujumbura. Comme dicté par les usages protocolaires, quand un avion transportant un Chef d’État termine son atterrissage et revient au tarmac, le co-pilote ouvre le hublot et laisse flotter le fanion du pays. Le fanion rwandais a flotté sur l’avion qui ramenait les Présidents Habyarimana du Rwanda et Ntaryamira du Burundi à Kigali. Sans le vouloir, le Président Cyprien Ntaryamira avait brièvement bradé la souveraineté du Burundi, en passant totalement inaperçu à son arrivée à Kigali à bord d’un avion battant pavillon rwandais alors qu’il aurait été signalé à tous s’il avait atterri à bord de son propre aéronef. Dès le lendemain matin, comme conseillers diplomatiques du ministre des relations extérieures et de la coopération, mes collègues et moi avons relevé auprès du ministre Jean Marie Ngendahayo la violation des usages protocolaires, avec prière que le ministre en fasse part au président afin que cela ne se reproduise pas. Nous savons que le ministre en a parlé au Président Cyprien Ntaryamira, qui lui avouera sa parfaite ignorance de ce protocole diplomatique. Nous serons informés plus tard que les deux Présidents du Rwanda et du Burundi passeraient la journée du 6 avril 1994 à Dar-Es-Salaam, en réunion au sommet autour du Président Ali Hassan Mwinyi de Tanzanie. Nous avons été foudroyés d’apprendre qu’une fois de plus, à l‘issue du sommet de Dar-es-Salaam, le Président Habyarimana a invité son collègue Cyprien Ntaryamira à bord du Falcon rwandais, qui sera abattu plus tard, comme on le sait, au-dessus de Kanombe. L’avion présidentiel du Burundi rebroussa chemin sain et sauf et ramena à bon port le reste de la délégation.

Nous comprendrons plus tard que lors des vols retour des 4 et 6 avril 1994, le Président Ntaryamira avait naïvement servi malgré lui de bouclier humain au vieux routier Juvénal Habyarimana. Avec la fin tragique que l’on déplore.

Ce fut la croix et la bannière pour retrouver les restes du Président Ntaryamira et des ministres Bernard Ciza et Cyriaque Simbizi sur la scène du désastre aérien, en plein génocide. Feu Séverin Mfatiye, notre ambassadeur à Kigali était aux abonnés absents. Il avait suivi à Gitarama le gouvernement intérimaire de Théodore Sindikubwabo en débandade, laissant les Burundais vivants et morts à leur triste sort. Il a fallu toute une semaine d’intenses contacts avec les directions du Comité International de la Croix Rouge, de la Croix Rouge Belge et de Médecins Sans Frontières (France) basés à Kigali pour identifier les restes du Président et des deux ministres fauchés dans cet assassinat pour les ramener à la frontière du Burundi. Ce sont les mêmes organisations internationales qui nous ont épaulés pour évacuer les ressortissants burundais pris dans la tourmente du génocide des Tutsi du Rwanda. Je dois souligner le grand dévouement de l’ambassadeur belge Johan Swinnen, ami personnel que j’avais connu depuis 1978 lorsqu’il était en poste au Burundi, et encore durant les années 1984-87 lorsque nous étions tous les deux en poste comme Conseillers dans nos Missions permanentes respectives auprès de l’ONU à New York. Ce diplomate belge nous a rendu des services incommensurables.

Lorsque le gouvernement et la machine du parti CNDD-FDD se gargarisent d’un discours de haine anti-belge, et recourent à l’instrumentalisation des populations Hutu pour les monter contre la Belgique et les citoyens belges vivant au Burundi, cela traduit une grave myopie politique et un déplorable flagrant manque de maturité diplomatique. La Belgique n’a rien à voir avec la regrettable disparition des Présidents Ndadaye et Ntaryamira dont elle est faussement accusée. Le jour qu’on va découvrir les responsables de l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana, on va connaître les commanditaires à poursuivre en justice pour l’assassinat du Président Cyprien Ntaryamira. En attendant, tout le bruit n’est qu’abjecte conjecture.

Qu’est-ce qui a empêché les divers gouvernements de saisir la justice pour arrêter la dérive ? Oui je sais, les Hutu ont dit qu’ils ne pouvaient rien attendre des régimes monolithiques Tutsi des années 1966-2005. Qu’ont-ils fait depuis cette date que le Burundi vit sous le régime majoritaire Hutu? Rien. Absolument rien! Maintenant, ils cherchent à distribuer les blâmes.

Mais au fond, sauf le statut légal contraignant de mandataire qui a été scrupuleusement respecté, qu’est-ce qui aurait empêché la Belgique de coloniser le Burundi pour faire plaisir à ces nostalgiques qui l’accusent malgré tout de l’avoir fait? Suite aux longues recherches anthropomorphologiques sur les ethnies au Burundi, les Hutu et les Tutsi ont été assimilés aux Flamands et Wallons qui étaient culturellement différents et ne perdaient la moindre occasion de se battre. En 1830, pour résoudre leur problème, Flamands et Wallons sont allés emprunter à l’Allemagne voisine le Prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha pour devenir le 1er Roi des Belges. Depuis, la paix règne. Ce qui est bon pour les Belges devrait raisonnablement l’être pour les Barundi.

Au Burundi, pour éradiquer les massacres inter-ethniques, un souverain étranger aurait pu faire l’affaire comme pour les Belges. Il aurait fallu nous dégoter un monarque dans les Royaumes de Kongo, Luba, Lunda, Kazembe ou du Buha et promouvoir des institutions séparées pour les communautés Tutsi et Hutu, suivant le modèle belge. Le Professeur historien Émile Mworoha a dénombré une quinzaine de Royaumes rien que dans l’Afrique des Grands Lacs au XIXème siècle. Chaque Hutu pourrait prétendre régner sur les Hutu, et chaque Tutsi pourrait briguer la présidence dans les institutions en place pour le compte de la communauté Tutsi. Fini la sarabande des coups d’état. On se serait épargné tous les génocides, réels ou assumés, car aucun Hutu ou Tutsi ne pouvait briguer la position de Roi suprême des Barundi. Le pays aurait évolué sous l’enseigne d’une Nation avec deux communautés, paisiblement tout comme la Belgique, ou quatre communautés comme la Suisse, etc. Nous nous serions offert le luxe de créer des institutions pour les Batwa et les Baganwa comme peuples fondateurs et populations marginalisées ayant droit à la protection et à pleine participation à la gestion de leur pays, comme le Canada le reconnaît à ses populations Autochtones et à sa minorité Francophone.

On aurait gardé une superstructure nationale – comprenant la diplomatie, les services de défense nationale, les finances et l’économie- avec responsabilité partagée à 50/50%. Chaque ethnie aurait ses représentants au niveau national pour traiter de problèmes affectant tout le peuple burundais tout en assurant la lentille communautaire. On se moquerait de ces retardés politiques africains engagés dans de stupides guerres de mandats présidentiels illégaux et illégitimes. Quelle disgrâce !

Avec le plan de libre circulation des biens et des personnes au sein de la Communauté économique des pays des grands lacs (CEPGL) envisagé dans les années 80, un brillant entrepreneur Burundais Hutu ou Tutsi pouvait faire fortune au Rwanda ou au Congo. L’entrepreneur congolais Gaston Shindano n’aurait eu aucun besoin de se muer en Tutsi pour prospérer. Avec la communauté est-africaine, le trop plein d’intellectuels burundais s’épanouirait dans cet espace plus large, plein d’opportunité et d’avenir. Le gâteau serait large pour assouvir tous les appétits. Il y aurait à boire et à manger pour tous. Les Burundais qui se retrouveraient à Dar-es-Salaam, Kampala, Nairobi ou Kinshasa seraient heureux de parler la même langue, de partager la même culture. Leur ethnie serait le dernier de leurs soucis, le plus petit commun dénominateur.

Dans ces conditions, les descendants des Princes Kirima et Maconco ne continueraient plus d’être pointés du doigt comme ayant trahi le Roi et menacé l’intégrité territoriale, à tort bien entendu. Aucun Hutu ou Tutsi ne serait plus stigmatisé à cause des tords ou crimes supposément commis par son père ou son ascendant. Aucun ressortissant de Bururi n’aurait peur de divulguer sa province d’origine, à cause de la stigmatisation qui a souvent ostracisé les gens provenant de cette contrée. Tous enfin, comprendraient que les délits passés et présents sont, et doivent rester individuels.

Pour résoudre la grave crise qui endeuille le Burundi depuis avril 2015, le monde appelle de tous ses vœux des négociations entre le gouvernement contesté de Pierre Nkurunziza et l’opposition en place ou en exil. J’espère que le gouvernement Nkurunziza ne va pas poursuivre la voie actuelle de défiance et déclarer forfait, ce qui le disqualifierait davantage. J’espère qu’il montre du muscle (kunana) comme le régime Buyoya en 1999 juste pour la consommation interne. Le régime de sanctions imposées par la région a eu raison de la résistance du Président Buyoya. Bon gré, mal gré, je ne doute pas que le régime des sanctions actuels imposées au régime du Président Nkurunziza, et d’autres qui risquent de suivre contraindront celui-ci inéluctablement vers la table de négociation. Il faudra un sursaut pour que ces négociations soient déclenchées à temps, pour écourter les souffrances du peuple burundais.

Il faudra que les gens autour de la table des négociations nous reviennent avec des solutions viables. Je les invite à combler les brèches laissées par l’Accord d’Arusha, malgré la louable vigilance des participants d’alors. En revisitant les réserves exprimées en août 2000, il faut qu’ils pensent à exploiter cette formule d’une nation avec deux communautés hutu/tutsi avec séparation des pouvoirs. Ils devront insister à la mise en route de la commission vérité et réconciliation, avec dimension justice pour les auteurs des différents drames. Parce qu’il faut absolument qu’ils arrivent à rétablir ce qui s’est réellement passé- qui a été responsable de quoi pour qu’on traduise en justice les coupables. Le cœur léger, et portés par l’espoir d’un lendemain meilleur pour nous et pour notre progéniture, on passera aux étapes de consolidation de la paix et de la convivialité entre les communautés du Burundi.

Ambassadeur Tharcisse Ntakibirora


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Et si la Belgique avait colonisé le Burundi ?

3 commentaires:

  1. Non Monsieur l'Ambassadeur. Ce ne sont pas les partis hutus quyi ont remporté les élections communales de 1961. Cest le Front Commun composé principalement du PDC de Ntidendereza (avec 56 bourgmestres), du PDR de Bigayimpunzi le cousin de Mwambutsa (avec 29 bourgmestres)Le parti dit Hutu le plus en vue était le PP, n'a eu que 16 bourgmestres. L'UPRONA de Rwagasore, sans Rwagasore avait 36 bourgmestres. Ne dites pas que ce sont les hutu qui ont profité des fraudes!

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  2. Les Burundais sont devenus fossoyeurs de leur propre nation ; c’est pathétique. Au-delà du beau texte d’historien qu’est Tharcisse, le reste n’est que justification des errements des « faux » politiciens qui ont gouverné le Burundi depuis que le Roi Mwambutsa a fui son propre royaume. Un détail que l’auteur a volontairement caché est que le roi a fui parce qu’il était menacé par des officiers Tutsi qui l’accusaient de protéger les officiers hutu.
    C’est bizarre que notre ami Tharcisse essaie du justifier l’injustifiable longtemps après qu’il soit détaché du système que son clan a mis en place. C’est bon de dire que les Belges ont privilégié les Tutsi sans les consulter. C’est bon de dire que les militaires Tutsi ont massacré des masses de populations hutues sans consulter d’autre Tutsi. C’est bon de confirmer que des militaires Tutsi ont assassiné Melchior Ndadaye sans demander l’avis des Tutsi. On se serait attendu que dans son beau discours l’auteur condamne tout usage excessif de force. Mais non, le crime appartient à ceux qui ont osé réclamer égalité de droit au travail, mêmes soins à l’hôpital, même traitement en justice, même droit d’avoir et de jouir des biens…Dire que cela constitue un « caractère criminel » est une prise de position dangereuse qui montre bien l’état d’esprit de l’auteur.
    Seriously Tharcisse, veux-tu vraiment que le Burundi fasse venir un « ROI » étranger pour réconcilier ses enfants ? Je comprends qu’on est angoissé par ce qui se passe chez nous au Burundi mais il y a meilleure solution que cela. La meilleure solution n’est pas de continuer à mettre de l’huile sur le feu mais, de dire ensemble « ASSEZ ». La Commission-Vérité- Réconciliation (CVR) dont on parle aujourd’hui ne sera effective que si Hutu et Tutsi se décident de casser le phénomène de solidarité négative qui caractérise les deux camps. Le temps presse et des témoins actifs de la « SOLUTION FINALE »au Burundi risquent de partir avant d’être entendus.
    Des personnalités comme, Jean Baptiste Bagaza, Zénon Nicayenzi, Arthemon Simbananiye, Jean Baptiste Manwangari, Leonard Nyangoma…devraient être entendues pour éclairer les générations actuelles sur l’Histoire de leur nation afin de poser de nouvelles bases de construction d’une nouvelle société basée sur des valeurs d’égalité et de complémentarité.

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  3. Je regrette qu'un ancien ambassadeur et intellectuel ose comparer les communautés Belges aux ethnies burundaises qui de mon point de vue sont des fausses ethnies. Quand vous parlez de deux communautés, elles habitent quel territoire? Quand vous quittez Bujumbura vers l'intérieur, où sont ces deux communautés. certes, il y a une communautés des gens aisés qui utilisent leurs ethnies pour bénéficier des avantages de l'Etat et une communauté des pauvres paysans qui vit dans une misère sans nom.Votre analyse et commentaire reflètent vos désidératas qui sont de loin aux aspirations du bas peuple, combien de Kilo de riz, de haricot vous avez déjà donné aux pauvres de votre soi-disante ethnie, sauf votre famille proche. il faut vraiment qu'on soit sincère, le problème Burundais est un problème de Leadership pour concevoir la vision non pas des siens mais du Burundi. Comme NKURUNZIZA vient de refuser d'appliquer les accords d'ARUSHA après 10 ans de pouvoir, quelles sont les garanties que les négociations apporteront la paix au Burundais. Il serait plutôt supprimer les histoires de Quota dans la fonction publique et privilégier un système de concours sans faille pour accéder à tout poste technique. on devrait chercher à développer la commune pour qu'elle soit la base de développement.Donc, je reste convaincu que le modèle Belge au vu de vos développements et le rôle qu'ils ont joué de loin ou de près dans l'exacerbation de l'ethnisme au Burundi reste un exemple à suivre et on ne partage même pas la même histoire.

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