mercredi 11 mai 2016

Putsch du 13 mai 2015: Le verdict de la paranoïa

CONDAMNATION EN APPEL DE PUTSCHISTES AU BURUNDI : 
Le verdict de la paranoïa

Le procès en appel de putschistes au Burundi, a livré son verdict. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les juges ont eu la main lourde. De 30 ans de prison, certains putschistes ont vu leur peine passer à la prison à perpétuité et des personnes relaxées en première instance, ont été condamnées. Ces peines ont également été assorties de dommages et intérêts relativement colossaux, contrairement au verdict rendu en première instance. C’est un euphémisme de dire que les peines initiales ont été singulièrement alourdies. C’est dire combien Nkurunziza n’y est pas allé de main morte. On sait, en effet, que dans une dictature crasse comme celle du Burundi de Pierre Nkurunziza, l’indépendance de la Justice est une vraie chimère. En d’autres termes, la Justice burundaise a certainement prononcé ces peines sur ordre du dictateur ou, à tout le moins, pour lui faire plaisir ou par crainte de subir ses foudres.

Nkurunziza aurait dû être à la barre et la prison à perpétuité aurait été un verdict de clémence pour lui

Faut-il encore le rappeler, le Burundi est devenu un enfer à ciel ouvert parce qu’un seul individu, qui n’est nul autre que Pierre Nkurunziza, a refusé de se soumettre à la loi fondamentale de son pays. Et les conséquences sont incalculables : des milliers de Burundais ont pris le chemin de l’exil. Face à l’arbitraire, à l’injustice et à la mégalomanie d’un homme, des Burundais exaspérés ont décidé de prendre les armes. Sont de ceux-là, les auteurs de la tentative de putsch, de véritables patriotes épris de démocratie et de justice, qui payent pour leur courage. Leur seul tort est d’avoir tenté de sauver le Burundi en péril. C’est simplement lâche de la part de la Justice burundaise, de se tromper à ce point de cible. S’il y a quelqu’un qui devait être appelé à la barre, c’est la personne par qui le malheur frappe ce pays. Et il est connu : l’autocrate burundais. Il est proprement indécent de fermer les yeux sur le crime incommensurable de celui qui s’est rendu coupable d’atteinte à la Constitution et donc, de haute trahison, pour sanctionner des personnes qui ont voulu l’empêcher de parachever ce crime. Ces putschistes ont certainement agi en désespoir de cause et par cette action, ils ont voulu faire œuvre de salubrité publique.

Nkurunziza aurait dû donc être à la barre et la prison à perpétuité aurait été un verdict de clémence pour lui au regard de l’ampleur de son crime. Mais, la Justice burundaise, comme un chien face à son maître, s’est couchée devant Nkurunziza. Elle a fermé les yeux et rabattu les oreilles face aux dérives de Nkurunziza et de ses sbires. Quelle honte ! Comme le disait si bien Jean de la Fontaine, « selon que vous serez riche ou pauvre, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Dans le cas du Burundi, selon que vous êtes proche de Nkurunziza ou opposé à lui, la Justice vous met le grappin dessus ou vous laisse tranquille.

En tout cas, cette iniquité a pour effet d’élargir le fossé entre les Burundais, de renforcer la haine que les uns nourrissent envers les autres. Nkurunziza a visiblement voulu des peines plus lourdes pour l’exemple, des peines qui dissuadent quiconque aurait encore des velléités de contester son pouvoir. Ce verdict indique que tous ceux sur qui pèse le moindre soupçon de contestation du pouvoir de Nkurunziza, sont à neutraliser. C’est le verdict de la paranoïa.

L’édifice de Nkurunziza pourrait finir par s’écrouler comme un château de cartes

Malgré cette chape de plomb sur le pays, Nkurunziza n’est pas tiré d’affaire. Bien au contraire. A en juger par l’étau qui se resserre lentement, mais sûrement autour de lui. La situation sociale et sécuritaire du Burundi va en se dégradant. Déjà, on assiste à une pénurie d’essence dans le pays. C’est un début d’asphyxie qui ne dit pas son nom. Cela montre que des sanctions comme la suspension de l’aide de l’Union européenne (UE) au Burundi, commencent à faire leurs effets. Et jusque-là, les autres partenaires potentiels du pays comme la Chine, ne se bousculent pas au chevet du régime Nkurunziza. Ce n’est pas bon signe pour le régime en place. La raréfaction des ressources va davantage crisper le front social et un soulèvement populaire n’est pas à exclure. Surtout que, même autour du dictateur, ce n’est pas la cohésion parfaite. Ses propres soutiens et partisans pourraient au mieux le lâcher, au pire le prendre pour cible. Si la pression tant nationale qu’internationale est maintenue comme il se doit, il est évident que les condamnés n’auront pas à croupir très longtemps dans les geôles du régime. L’édifice de Nkurunziza pourrait certainement finir par s’écrouler comme un château de cartes et le tyran se retrouvera nu. Le nouveau pouvoir qui lui succédera aura beau jeu d’élargir les putschistes dont le tort aura été d’avoir osé s’opposer à la violation de la loi fondamentale du Burundi par le pasteur-président. En attendant, les Nations unies devraient ouvrir l’œil et le bon, pour que ceux qui sont envoyés ainsi en prison, ne soient pas abandonnés à leur sort. Car, on n’est jamais assez prudent avec ce Néron des temps modernes qui, acculé de toutes parts, déverse son venin sur tous ceux qui ont osé le défier.

10 mai 2016, « Le Pays »

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