jeudi 7 juillet 2016

Burundi : Des agents du Service national de renseignement ont torturé des opposants présumés

Des agents du Service national de renseignement burundais ont torturé et maltraité des dizaines d’opposants au gouvernement présumés, à leur siège ainsi que dans des lieux secrets, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Des membres de la police et de la ligue des jeunes du parti au pouvoir – les Imbonerakure – ont également commis de graves abus, souvent en collaboration avec les services de renseignement.

Des agents du Service national de renseignement (SNR) du Burundi se sont rendus de plus en plus fréquemment responsables d’actes de torture à l’encontre de sympathisants présumés de l’opposition placés en détention. Ils ont frappé des détenus à coups de marteau et de barres en acier, telles celles utilisées dans la construction, leur ont planté des barres en acier aiguisées dans les jambes, ont versé du plastique fondu sur eux, ont noué des cordes autour des parties génitales des hommes, et leur ont envoyé des décharges électriques. Certains détenus qui ont été torturés ou blessés se sont vu refuser des soins médicaux et de nombreux détenus ont été maintenus dans des cachots malodorants et dépourvus de fenêtres.

« Les actes de torture infligés par les services de renseignement burundais pour des motifs politiques se sont intensifiés et sont devenus de plus en plus cruels », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique de Human Rights Watch. « Des agents du Service national de renseignement traitent certains opposants présumés de façon effroyable parce qu’ils savent qu’ils peuvent le faire en toute impunité. Le gouvernement devrait faire cesser la torture immédiatement. »

Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait déployer au Burundi une force de police internationale munie d’un solide mandat de protection, et mettre en place une commission d’enquête internationale sur les cas de torture et autres graves abus, selon Human Rights Watch.

Depuis avril 2016, Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus de 40 victimes de torture provenant de neuf provinces et de la capitale, Bujumbura. Certains des entretiens ont eu lieu à l’extérieur du pays. Les cas de torture et de mauvais traitements semblent s’être de plus en plus généralisés, et les techniques de torture semblent être de plus en plus brutales, à la suite de la tentative manquée de coup d’Etat en mai 2015 et de plusieurs attaques à la grenade contre des bars menées par des individus non identifiés à Bujumbura et ailleurs depuis début 2016. S’il est difficile de déterminer l’ampleur exacte des abus, le nombre de personnes torturées par des agents du SNR à travers le pays est très probablement bien plus élevé que le nombre de cas documentés par Human Rights Watch. L’ONU a relevé 651 cas de torture au Burundi entre avril 2015 et avril 2016.

Pour des raisons de sécurité, Human Rights Watch ne divulgue pas les noms des personnes interrogées ni d’autres informations à leur sujet. Des agents du SNR ont affirmé à certains détenus qu’ils seraient tués s’ils parlaient de la façon dont ils avaient été traités et ont ordonné à d’autres de mentir ou leur ont fait promettre de ne pas parler à des organisations de défense des droits humains. Des agents du SNR ont suivi et menacé des personnes suspectées de donner des informations à de telles organisations.

D’anciens détenus, notamment des membres de partis d’opposition, ont expliqué à Human Rights Watch que des agents du SNR les avaient frappés en utilisant des tuyaux lestés avec des barres d’acier de construction, souvent jusqu’au sang ou jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus se tenir debout. L’un d’eux a indiqué qu’un policier travaillant au siège du SNR avait versé sur lui un liquide qui l’avait brûlé à tel point qu’il avait supplié qu’on le tue. Un autre a déclaré qu’un agent du SNR lui avait fracassé les os des jambes à coups de marteau. Un ancien détenu a expliqué qu’un agent du SNR l’interrogeait tandis qu’un Imbonerakure versait du plastique fondu sur lui. Ils ont également utilisé des tenailles pour couper ses parties génitales, tandis qu’un Imbonerakure lui disait, en faisant allusion au dirigeant de l’opposition Alexis Sinduhije : « Tu vas finir par révéler les secrets de Sinduhije. »

Des détenus et d’autres personnes connaissant le siège du SNR dans le quartier de Rohero à Bujumbura ont affirmé que l’enceinte du SNR comprenait plusieurs cachots officieux où les détenus qui avaient été torturés étaient dissimulés aux observateurs internationaux.

Des membres de la police également ont torturé et maltraité des détenus. Un policier a utilisé des tenailles pour arracher la dent d’un détenu. Celui-ci a déclaré à Human Rights Watch : « [Le policier] a dit qu’il m’arracherait une dent chaque jour jusqu’à ce que j’avoue que je travaillais pour les droits de l’homme. J’avais tellement mal, et il y avait beaucoup de sang. »

Plusieurs jeunes hommes ont déclaré que la police les avaient arrêtés sans fournir de motif ou présenter de mandat et en respectant rarement les procédures régulières d’arrestation, avant de les frapper.

Les autorités burundaises devraient demander l’assistance du Bureau du Haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies et des agences humanitaires afin d’identifier les victimes d’abus ayant besoin de soins médicaux, et fournir l’assistance nécessaire, notamment des soins médicaux spécialisés à l’extérieur de leur lieu de détention, selon Human Rights Watch.

Les Imbonerakure (« ceux qui voient loin » en kirundi) ont également commis de nombreux abus à travers le pays, selon Human Rights Watch. Des Imbonerakure opérant à deux principaux passages frontaliers entre le Burundi et le Rwanda ont ouvertement arrêté des opposants présumés en présence de membres de la police, de l’armée et d’autorités chargées du contrôle des frontières, les accusant de collaborer avec des membres de l’opposition burundaise vivant au Rwanda. Des témoins ont déclaré que dans certains cas les Imbonerakure semblaient avoir plus de pouvoir que la police.

« Des habitants ont confié que personne n’ose s’opposer aux Imbonerakure à cause de leur pouvoir et de leur influence », a déclaré Daniel Bekele. « Les autorités ont permis aux Imbonerakure d’opérer en dehors de la loi. Le gouvernement doit donc assumer la responsabilité de leurs actions. »

En mai, Human Rights Watch a adressé à Étienne Ntakirutimana, le chef du SNR, qui rend compte directement au Président Pierre Nkurunziza, un courrier comprenant plusieurs questions sur les abus présumés, mais n’a reçu aucune réponse. Toutefois, le ministre de la Sécurité publique, Alain Guillaume Bunyoni, qui supervise la police, a envoyé une réponse de cinq pages dans laquelle il a écrit qu’il serait « impensable que de tels actes soient commis par des policiers » et que ce serait « une erreur grave que d’affirmer gratuitement » que la police a arrêté arbitrairement, torturé ou maltraité des opposants présumés du gouvernement. Il a nié catégoriquement que la police ait collaboré avec les Imbonerakure.

Des groupes d’opposition armés ont également attaqué des membres de forces de sécurité et du parti au pouvoir, dont des policiers et des Imbonerakure. Un haut responsable des Imbonerakure a affirmé à Human Rights Watch que plus de 50 Imbonerakure avaient été tués dans le pays depuis avril 2015, dont au moins quatre dans des attaques à la grenade à Bujumbura en mai 2016. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de confirmer ces chiffres.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait de toute urgence mettre en place une commission d’enquête indépendante internationale et autoriser le déploiement d’une force de police internationale au Burundi, selon Human Rights Watch. Tout en coordonnant son action avec la police burundaise, cette force de police internationale devrait maintenir son indépendance et ne pas fournir d’assistance aux forces de sécurité burundaises.

La commission d’enquête devrait être dotée d’une expertise en matière d’enquêtes judiciaires et médicolégales, et mener des investigations approfondies en vue d’établir les responsabilités pour les crimes les plus graves. Elle devrait examiner en particulier les cas de torture présumés commis par les membres du Services de renseignement et de la police, et s’intéresser en particulier au rôle tenu par des hauts responsables de ces instances.

Les observateurs des droits humains de l’ONU et de l’Union africaine au Burundi devraient intensifier la fréquence de leurs visites aux lieux de détention du SNR et de la police afin de prévenir et de documenter la torture. Ils devraient publier des rapports fréquents et détaillés sur leurs conclusions, notamment sur d’éventuelles tentatives des autorités de faire obstruction ou de restreindre leur plein accès aux centres de détention.

En avril, la Cour pénale internationale a annoncé l’ouverture d’un examen préliminaire de la situation au Burundi. D’autres pays devraient envisager de mener des enquêtes et des poursuites devant leurs tribunaux nationaux, en application du principe de compétence universelle, à l’encontre de Burundais présents sur leur territoire et soupçonnés d’avoir ordonné et perpétré des actes de torture et autres graves violations des droits humains.

Le facilitateur des pourparlers entre les acteurs politiques burundais, l’ex-président tanzanien Benjamin Mkapa, devrait donner la priorité aux préoccupations liées aux droits humains. Benjamin Mkapa devrait faire pression sur toutes les parties pour qu’elles cessent de commettre des violations des droits humains et appeler le gouvernement à mettre fin à l’usage de la torture par les services de renseignement et par la police.

« Le gouvernement burundais soutient que le système judiciaire national est indépendant et que les personnes qui commettent des abus sont tenues de rendre des comptes. Les autorités devraient en apporter la preuve en menant des enquêtes et en engageant des poursuites contre les personnes responsables de tortures systématiques qui ont lieu au Burundi aujourd’hui », a conclu Daniel Bekele. 

« Mais le Président Nkurunziza porte la responsabilité finale des actes de torture commis par les services de renseignement nationaux et par la police, aussi il devrait prendre les mesures qui s’imposent. »

Pour d’autres informations sur la torture et sur d’autres abus, veuillez voir ci-après.

Actes de torture et autre abus commis par les services de renseignement

Le SNR a des antécédents de longue date en matière de tortures, d’exécutions extrajudiciaires, de détentions arbitraires et d’autres violations des droits humains à l’encontre d’opposants au gouvernement présumés. Human Rights Watch a documenté des pratiques bien établies de torture infligée par le SNR dans le but de contraindre des détenus à avouer des crimes présumés, ou bien d’incriminer ou de dénoncer d’autres personnes.

Ces pratiques sont devenues de plus en plus répandues, et les techniques de torture sont devenues de plus en plus brutales, à la suite d’une tentative manquée de coup d’État en mai 2015. Une source ayant accès aux locaux du SNR a affirmé que des agents du service de renseignement, en collaboration avec des Imbonerakure, avaient alors commencé à torturer de façon systématique les opposants présumés qu’ils maintenaient en détention.

Des policiers et des agents du SNR ont arrêté un policier à Bujumbura le 25 juin 2015. Les policiers l’ont frappé ainsi que plusieurs personnes présentes. Ils ont prétendu que le policier avait une grenade qu’il s’apprêtait à « donner à des Tutsis pour tuer des Hutus » et ils l’ont conduit au siège du SNR, connu sous le nom de « la Documentation ». L’homme a expliqué à Human Rights Watch :
Quand je suis arrivé à la Documentation, on m’a dit de me coucher par terre. Ils m’ont frappé sur les fesses avec une barre en acier. Ils m’ont frappé sur la plante des pieds. Ils ont dansé sur moi. Ils me disaient que j’avais des armes et une grenade que j’allais donner à des Tutsis.
Le 1er juillet, [Étienne Ntakirutimana, chef du SNR] est arrivé. Il m’a dit de sortir du cachot. Je lui ai montré où j’avais été frappé. Il a dit : « Tu n’as pas été battu. Tu vas être vraiment battu maintenant. » Il se moquait de moi. Il a dit : « Si tu es un commando, tout ce qui t’arrive, tu dois l’accepter. Même si tu veux aller au Rwanda et t’amuser avec [le président rwandais Paul] Kagame, les Hutus ne seront jamais vaincus. »
Le plus pénible, c’était les nuits à la Documentation. Ils faisaient sortir les gens des cachots et ils les torturaient. Je l’ai entendu. Ils les menaient dans la cour et on entendait les cris. Ils criaient très fort. Au bout d’un certain temps, c’était plus silencieux jusqu’à ce que [sans doute] la personne meure. [D’autres] se sont retrouvés presque handicapés après les passages à tabac.
Le SNR a transféré l’agent de police à la prison de Muramvya le 8 juillet, et il a été officiellement accusé de participation au coup d’État manqué. Il a été condamné à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités. En janvier, la Cour suprême l’a acquitté et il a fui le pays. La cour d’appel de la Cour suprême l’a par la suite inculpé par contumace et l’a condamné à la prison à perpétuité.

Le 18 février, des hommes non identifiés ont arrêté un étudiant de 22 ans dans le quartier de Ngagara à Bujumbura et l’ont jeté dans une camionnette. L’étudiant pensait qu’il s’agissait d’agents du renseignement. Alors que le véhicule démarrait, l’un des hommes lui a dit : « Rends les armes que tu as. » Ils l’ont piétiné à la poitrine tandis qu’il gisait à l’arrière de la camionnette, et ils l’ont interrogé sur l’identité et la localisation d’autres personnes de son quartier. Il a déclaré :
Ils m’ont emmené dans une maison à Carama [un quartier de Bujumbura]. Ils avaient une clef de la maison et ils ont ouvert. Dans le salon, il y avait une télévision et une chaise en bois. Ils m’ont déshabillé. J’étais nu. Ils ont dit : « Quand nous t’aurons frappé assez, tu finiras par parler. » Ils m’ont frappé avec un câble électrique. Ils me frappaient avec le câble sur les jambes et sur le dos. Ils répétaient : « Parle ! »
J’ai vu que j’allais mourir. J’ai vu que j’étais déjà mort. Ils sont ressortis. Je ne sais pas de quoi ils parlaient. C’est alors que j’ai essayé de m’enfuir. J’allais sauter au-dessus de la clôture, mais l’un d’eux attendait dehors. Il m’a attrapé. Ils m’ont brûlé avec un couteau [chauffé] [après] que j’ai tenté de m’échapper. Ils ont apporté le couteau de l’extérieur de la maison. Je pouvais sentir la chaleur sur le couteau. Ils m’ont coupé juste une fois [sur la poitrine].
L’étudiant a expliqué que ses ravisseurs ont continué à le battre et à lui poser des questions sur l’endroit où étaient cachées les armes et sur les gens qui avaient soi-disant des fusils dans le quartier :
Je leur ai dit que je ne connaissais personne, et que je n’avais même pas participé [aux manifestations de 2015 contre un troisième mandat du Président Nkurunziza ]. Comme je ne voulais rien avouer, ils ont utilisé la barre en acier aiguisée. Ils sont ressortis la chercher. Ils me l’enfonçaient dans la jambe de plus en plus fort. Quand ils m’ont traversé la jambe avec, je me suis évanoui.
L’étudiant a repris connaissance dans un centre de détention de la police. Il ignore qui l’y a transporté. Il a été libéré le jour même.
Un chauffeur de taxi âgé d’un peu plus de 30 ans a expliqué qu’en mars quelqu’un avait frappé à sa porte. Quand il a ouvert, un homme non identifié se tenait devant lui, le visant à la tête avec un fusil. Trois camionnettes ont escorté le chauffeur de taxi jusqu’à un poste militaire à Bujumbura. Il a déclaré :
Ils m’ont attaché les bras dans le dos et m’ont lié les jambes, puis ils ont attaché mes jambes à mes mains. Il y avait un clou dans le mur, et à cause de la corde [autour de moi] j’étais suspendu comme un sac à un porte-manteau. Ils m’ont battu, et m’ont blessé à la tête et au bras à coups de baïonnette. Ils m’ont dit de rendre les armes.
Le chauffeur de taxi a estimé à trois heures le temps où les militaires l’ont suspendu, puis ils l’ont descendu et l’ont battu pendant encore plusieurs heures. Ils lui ont dit de révéler l’endroit où étaient cachées les armes. Le lendemain, ils l’ont emmené au bureau du SNR à Bujumbura.
Quand je suis arrivé [au SNR], ils [des agents du SNR] ont dit : « Ce chien [nom non divulgué] est revenu. » [Un agent] m’a mené à un caniveau et m’a obligé à me mettre à plat ventre, puis il m’a frappé avec un gros bâton sur les pieds et les fesses. Ensuite une autre personne est venue verser un liquide sur moi. J’ai eu l’impression de brûler. Je les ai suppliés de me tuer. Ils ont dit : « Toi, tu es un criminel, tu vas mourir lentement. »
Le chauffeur de taxi a ajouté qu’il a été battu encore deux fois. Il souffrait tellement qu’il a à nouveau supplié qu’on le tue. Un policier qui travaillait au SNR lui a dit : « Qui voudrait se salir avec ton sang ? » Le chauffeur de taxi a indiqué qu’il ne peut plus s’asseoir à cause de ses blessures.
La police a arrêté un homme de 27 ans chez lui à Bujumbura en février et l’a conduit au bureau du SNR à Bujumbura. Il a décrit la façon dont il a été traité :
Quand on était là [au SNR], ils m’ont torturé avec un câble, comme ceux qu’on utilise pour connecter une radio ou une télévision. Il n’y avait pas de plastique autour du câble. Ils l’ont enroulé [en haut] autour de ma jambe. Ils m’ont fait asseoir à côté d’une prise à laquelle ils ont branché le câble. Ils le branchaient et le débranchaient, m’envoyant des décharges électriques, tout en me posant des questions. Ils disaient : « Montre-nous où sont les armes. »
Au bout d’un moment, ils ont changé. Ils ont enroulé la corde autour de mes parties génitales et ils tiraient dessus tout en posant des questions. Ils ont utilisé la corde plus longtemps, pendant 20 à 25 minutes.
Avec l’assistance d’un garde, l’homme est parvenu à s’échapper.
Des policiers appartenant à l’unité d’Appui pour la protection des institutions (API) ont arrêté un groupe de personnes dans un bar fin avril 2016 à la périphérie de Bujumbura et les ont conduites au siège des services de renseignement à Bujumbura. Un homme de 40 ans arrêté ce jour-là a déclaré :
Nous sommes arrivés vers midi, mais les camionnettes ne sont pas entrées directement. Nous sommes restés une heure à l’extérieur de la Documentation. Nous avons su plus tard que les Blancs du CICR [Comité international de la Croix Rouge] se trouvaient à l’intérieur et c’est pour ça qu’ils ne voulaient pas nous y amener. Nous avons dû attendre qu’ils soient partis.
Plusieurs personnes qui avaient été détenues au siège du SNR ont expliqué qu’elles avaient été enfermées dans des toilettes exigües. Un agent ayant accès au SNR a déclaré que des hauts responsables des services de renseignement, des combattants rebelles démobilisés et des Imbonerakure battaient les détenus et les cachaient hors de la vue des observateurs internationaux. Cet agent a expliqué :
Ils étaient battus dans les cachots ou dans la cour. Il y a des gens qui sont des « démobs » [combattants démobilisés], des Imbonerakure. Je ne sais pas d’où ils viennent. Parfois ils étaient à l’entrée, d’autres fois à l’intérieur de la cour. Ils torturaient les gens. Ce qui m’a vraiment marqué c’est qu’ils mettaient [les détenus] dans les toilettes. Ils étaient dans les toilettes pendant trois jours.
En février, des policiers ont arrêté un homme à Bujumbura et l’ont immédiatement frappé à coups de matraque et de crosse de fusil. Ils lui ont dit d’avouer qu’il collaborait avec les leaders de l’opposition Alexis Sinduhije, Hussein Radjabu et Godefroid Niyombare. Puis ils l’ont emmené au siège du SNR à Bujumbura. Il a déclaré :
[Un agent du SNR] m’a mené jusqu’à une sorte de couloir et il m’a menotté puis s’est mis à me frapper sérieusement. Il y avait une chaise avec du fer qui dépassait et des grosses pierres qui bloquaient la chaise. Ils m’ont attaché à la chaise avec des menottes. Ils m’ont battu avec une sorte de câble. Il a dit : « C’est toi qui as tué des policiers. Quoi que tu fasses, c’est nous qui allons diriger. » Il m’a amené dans une petite pièce, sans fenêtre. C’était très sombre. Je ne savais pas si c’était le jour ou la nuit. J’étais toujours menotté. Je ne pouvais pas partir. Je devais me soulager à l’intérieur de la pièce. La première fois qu’ils m’ont fait sortir, ils m’ont donné au moins deux heures pour que je puisse bien me laver.
Le septième jour, ils m’ont enlevé les menottes et m’ont présenté à un officier de la police judiciaire. Alors que j’étais là, [deux anciens membres de l’opposition qui collaborent avec le SNR] sont entrés. Ils ont dit qu’ils me connaissaient. [Nom non divulgué] a ajouté qu’on ne peut pas vivre à Musaga [un quartier de Bujumbura] sans savoir ce qui s’y passe. J’ai été interrogé sept fois par des personnes différentes qui m’ont demandé où étaient cachées les armes. Certains membres du SNR ont dit que je ne partirai pas tant que je n’aurai pas révélé où les armes étaient cachées.
L’agent qui avait accès au SNR, ainsi que des détenus torturés dans ses locaux, ont indiqué que les agents du SNR empêchaient certains détenus portant des signes physiques de torture d’être présentés au parquet. Une autorité judiciaire a indiqué que des magistrats du parquet du ministère public interrogeaient plutôt les détenus torturés dans les locaux du SNR à Bujumbura. Les magistrats envoyés pour cela étaient connus comme étant fidèles au parti au pouvoir.

Des agents des services de renseignement ont également affecté des officiers de police judiciaire connus comme étant fidèles au parti au pouvoir pour qu’ils interrogent des détenus soupçonnés de collaborer avec l’opposition. Certains de ces officiers de police judiciaire ont giflé ou battu des détenus lors des interrogatoires. Un ancien agent du gouvernement a indiqué qu’un officier de police judiciaire au SNR donnait directement des dossiers à un haut responsable du renseignement pour examen, au lieu de les soumettre au parquet.

L’article 34 du Code de procédure pénale burundais stipule que la garde à vue des personnes détenues ne doit pas excéder une durée de sept jours, prorogeable une fois seulement, avant que les juges décident si elles doivent être mises en liberté provisoire ou rester en détention. Les détenus devraient avoir accès à un avocat pendant qu’ils se trouvent dans les locaux de l’agence du renseignement, mais des avocats ont indiqué à Human Rights Watch que le SNR les empêchait de pénétrer dans leurs locaux.
En février, des hommes vêtus d’uniformes de la police ont arrêté un homme de 34 ans dans la rue à Bujumbura. Des passants témoins de l’arrestation se sont mis à crier : « Ils emmènent [nom non divulgué] ! » L’homme a déclaré qu’un policier dans la camionnette a pointé son arme sur la foule et les passants se sont enfuis. L’un des agents procédant à l’arrestation a planté sa baïonnette dans le pied de l’homme parce que, selon ce policier, il ne voulait pas que l’homme révèle qu’il avait volé son argent et son téléphone. La police l’a conduit au siège des services de renseignement. L’homme a expliqué :
Au SNR, ils m’ont sérieusement battu avec une barre en acier partout sur le dos et les jambes. Pendant qu’ils me frappaient, ils m’ont demandé combien de fois j’avais parlé à Sinduhije et m’ont accusé de faire partie de ceux qui lancent des grenades en ville.
Vers 16h30, ils ont arrêté de me battre et m’ont emmené dans un cachot où il y avait d’autres personnes. Pendant la nuit, ils m’ont sorti de ce cachot et m’ont mené jusqu’à un endroit très sombre, dans des toilettes. Une personne qui se trouvait là-dedans avec moi a été appelée pour sortir [du cachot] le samedi vers 9 heures du matin. Quand il est revenu vers 16h00, on aurait dit que ses fesses étaient en feu. Il avait été battu avec une barre en acier, et il ne pouvait pas s’asseoir. Il nous a dit qu’il avait reçu 150 coups.
J’y suis resté [dans les toilettes] pendant 10 jours. Le dixième jour, [des gardes] sont venus me sortir du cachot sombre et m’ont présenté à un officier de police judiciaire. Ils m’ont ordonné de lui dire que je venais juste d’arriver.
Les gardes ont ramené l’homme dans le cachot avec d’autres détenus.
[J’étais au SNR] quand le magistrat est venu. Il était avec [un ancien membre de l’opposition armée qui sert d’informateur au SNR]. Le magistrat lui a demandé depuis combien de temps on se connaissait. [L’informateur] a dit au magistrat que j’étais en contact avec Alexis Sinduhije.
Le magistrat a commencé à m’interroger. Il répétait les mêmes accusations [que le SNR]. Je lui ai demandé : « Pourquoi je ne suis pas allé au tribunal comme les autres ? Pourquoi êtes-vous venu ici ? » Il a répondu : « Réponds juste à mes questions. »
Tortures, mauvais traitements et arrestations arbitraires aux mains de la police

Depuis mai 2016, le gouvernement a riposté aux attaques à la grenade et autres attaques qu’il attribue à l’opposition par des arrestations en masse et des détentions de centaines de personnes. Nombre d’entre elles ont été libérées mais beaucoup d’autres sont toujours en détention. Le 2 mai, le Président Nkurunziza a déclaré dans un discours public : « Nous demandons à tous les citoyens burundais de combattre ceux qui perturbent la sécurité et la paix et d'en finir dans un délai de deux mois. »

Après une attaque à la grenade dans le quartier de Bwiza à Bujumbura le 28 mai, la police a arrêté plusieurs centaines de personnes. Le porte-parole de la police, Pierre Nkurikiye, a déclaré à un organe de presse local que c’était « normal » d’arrêter des gens près du site d’une explosion à la grenade et que « parmi les interpellés, il peut y avoir les auteurs de l’attaque. » Des agents de la police ont indiqué que toutes les personnes arrêtées ont ensuite été libérées.

Le maire de Bujumbura, Freddy Mbonimpa, a déclaré que les arrestations étaient nécessaires pour contrôler les mouvements de la population. Pour ce faire, la police a perquisitionné des maisons et arrêté des personnes pour vérifier les « cahiers de ménages », un registre de toutes les personnes vivant dans une maison donnée. Il est désormais obligatoire pour tous les foyers de Bujumbura de tenir à jour un « cahier de ménage » certifié par une autorité locale.

Les 11 et 13 mai, la police a arrêté plus de 200 jeunes hommes et étudiants dans le quartier de Musaga à Bujumbura. Des habitants ont indiqué que la police leur a donné l’ordre de présenter des cartes d’identité et des cahiers de ménages, mais qu’elle a arrêté certains d’entre eux et les a emmenés jusqu’à un bureau administratif à proximité avant qu’ils n’aient eu le temps de rassembler les cahiers. Des policiers ont frappé certains détenus à coups de ceinture et de matraque, et les ont insultés. Des détenus ont expliqué que la police utilisait des Imbonerakure et d’anciens membres de l’opposition pour identifier des opposants au gouvernement présumés. Ils ont reconnu d’anciens membres de l’opposition vivant auparavant à Musaga et qui circulaient parmi les détenus.

Les arrestations en masse effectuées par la police semblaient avoir des raisons politiques, plutôt que d’être une véritable tentative de vérifier les cahiers de ménages. Un homme de 25 ans faisant partie des personnes arrêtées a déclaré à Human Rights Watch : « Un policier a dit : ‘Vous avez été arrêtés. Vous êtes des rebelles, et vous ne pouvez pas prouver que vous ne l’êtes pas. Regardez combien d’entre vous sont ici. Vous croyez que vous pouvez attaquer le pays avec ce nombre de personnes ?’ ».

D’après la loi burundaise, la police doit obtenir un mandat pour pouvoir arrêter un suspect, sauf si la personne est prise en flagrant délit. Le ministre de la Sécurité publique, dans sa lettre à Human Rights Watch, a affirmé qu’aucun suspect n’était arrêté sans mandat sauf en cas de flagrance. Toutefois, dans la majorité des cas documentés par Human Rights Watch, la police a omis de présenter un mandat aux personnes arrêtées.

Un jeune homme qui avait été arrêté a déclaré : « Les policiers n’ont rien contre nous lorsqu’ils nous arrêtent. Ils viennent nous prendre comme un sac de charbon. Ils ne nous montrent rien. On ne sait rien. »

Des policiers ont torturé et maltraité des détenus. En février, des policiers portant des armes à feu sont descendus d’un véhicule de police et ont dit de s’arrêter à un homme de 27 ans dans la rue. Quand ils lui ont ordonné de venir avec eux, il a refusé. Un policier l’a frappé dans le dos avec la crosse de son fusil, puis l’a forcé à monter dans le véhicule.

L’homme a déclaré : « Alors que la camionnette démarrait, l’un des policiers m’a planté sa baïonnette dans la jambe gauche en disant : ‘Ça c’est pour nous avoir embêtés lorsque nous t’avons capturé.’ J’ai saigné beaucoup. »

La police a conduit l’homme au centre de détention de la police à Bujumbura connu sous le nom de Bureau spécial de recherche. Il a expliqué :
Dans le bureau de l’officier de police judiciaire, ils se sont mis à piétiner la blessure [à la jambe] et à me frapper à coups de barre en acier sur le dos. Ils disaient d’aller leur apporter les armes que je cachais. Je leur ai dit que je n’avais aucune arme. L’officier de policier judiciaire répétait les mêmes choses, et chaque fois que je disais que je n’avais pas d’armes, ils me frappaient avec la barre en acier.
Le lendemain matin, on m’a ramené dans le même bureau et un policier m’a frappé la tête contre le sol et s’est mis à me frapper à nouveau avec la barre en acier sur les fesses. Ils voulaient me faire avouer que j’avais des armes, mais je continuais à le nier. Le lendemain, ils recommençaient la même chose.
J’ai passé cinq jours [au centre de détention] et j’ai été battu pendant les trois premiers jours, deux fois par jour : le matin entre 8h et 9h, et le soir vers 16h. C’était toujours la même scène : des questions de l’officier de police judiciaire qui alternaient avec les coups de barre en acier par les trois policiers. Chaque fois cela durait au moins 30 minutes.
Ils m’ont montré une photo [sur un ordinateur] de moi quand je participais aux manifestations [contre le troisième mandat du Président Nkurunziza en 2015]. J’étais entouré de rouge sur la photo. C’était peut-être la raison pour laquelle ils m’avaient arrêté.
Le cinquième jour de sa détention, un officier de police judiciaire l’a libéré sans explication, en lui disant : « Je ne veux plus jamais te revoir. » L’homme a toujours des douleurs à la colonne vertébrale à l’endroit où les policiers l’ont frappé.

En avril, dans une province de l’ouest du pays, deux policiers ont demandé de s’arrêter à un homme de 36 ans qui se trouvait dans la rue, et lui ont réclamé sa carte d’identité. Il a déclaré :
Ils ont appelé quelqu’un. J’ai vu une camionnette arriver et quelqu’un à l’intérieur [vêtu d’un uniforme de police] a dit : « C’est lui ! C’est lui ! » Dans la camionnette il y avait le chauffeur, un commandant de police et cinq policiers. Ils ont commencé à me battre. Nous sommes montés dans la camionnette et ils m’ont conduit à Bujumbura. Ils ont pris mon téléphone et ils ont regardé les messages. Ils ont dit : « À qui envoies-tu ces messages ? Tu travailles pour les droits de l’homme. » J’ai dit que je ne travaillais pas pour les droits de l’homme.
Les policiers ont amené l’homme jusqu’à un centre de détention de la police du quartier.
Ils se servaient d’indembo [matraques de police] pour me frapper à la tête. J’ai dit : « Je n’ai rien fait ! » Ils m’ont frappé pendant au moins deux heures, sur les pieds, à la tête, partout sur le corps. Pendant qu’ils me battaient, ils me demandaient de leur dire à qui j’envoyais le message. J’ai passé la nuit dans un cachot avec des détenus. L’un était accusé d’être un manifestant. D’autres étaient accusés de vol et d’autres choses. Un détenu avait la jambe cassée. Il ne pouvait pas marcher. Un des [policiers] a dit : « Amenez-le à l’hôpital. » D’autres ont dit : « Attendez le médecin, il va venir ici. » Mais le médecin n’est jamais venu.
Quand la famille de cet homme a contacté la police pour essayer de le retrouver, la police a réclamé une rançon exorbitante. L’homme a indiqué qu’un officier de police a dit à la famille : « Si vous l’avez [l’argent], vous pouvez le voir. Sinon, vous ne le reverrez plus jamais. » La famille de cet homme n’avait pas les moyens de payer.

L’homme a déclaré que la police l’avait battu le deuxième jour de sa détention pendant au moins une heure. Il a ajouté que le policier lui avait dit : « Dis-nous à qui tu as envoyé le message et nous te laisserons partir. » L’homme a refusé alors le policier l’a torturé avec un outil métallique.

Le troisième jour, il a été libéré après qu’un autre policier soit intervenu.

Le ministre de la Sécurité publique, dans sa lettre à Human Rights Watch, a déclaré que la police ne recourait jamais à la torture et observait toutes les procédures légales. Il a souligné l’interdiction de la torture dans la Constitution du Burundi ainsi que dans les traités internationaux et régionaux que le Burundi a ratifiés. Il a indiqué que la police recevait des formations sur les droits humains.

Le ministre a écrit que les allégations selon lesquelles la police réclamait de l’argent aux détenus ou à leurs familles en échange de leur libération étaient « un mensonge » et que tout policier impliqué dans un acte d’extorsion serait exposé à des « sanctions administratives et pénales sévères. » Toutefois, il a concédé qu’il serait « illusoire d’affirmer que les policiers ne commettent jamais de bavures » et que plus de 70 policiers ont été pénalement poursuivis depuis 2015, certains pour « des exactions commises durant la gestion du mouvement insurrectionnel » avant et après les élections de 2015 et d’autres pour des infractions de droit commun. Il n’a pas fourni de détails sur ces poursuites.

Abus commis par des Imbonerakure

Depuis plusieurs années, des Imbonerakure ont été responsables de nombreux meurtres, passages à tabac, de menaces et d'autres abus contre des opposants au gouvernement présumés, selon Human Rights Watch. Les Imbonerakure agissent souvent aux côtés de la police et des services de renseignement.

La police, lors de sa répression brutale des manifestations contre la décision du Président Nkurunziza de briguer un troisième mandat en 2015, a utilisé des Imbonerakure des quartiers où se déroulaient les manifestations pour identifier et cibler des manifestants. Des habitants de Bujumbura ont indiqué qu’ils voyaient souvent des Imbonerakure connus vêtus d’uniformes de la police ou de l’armée, portant des armes et opérant côte à côte avec la police. Un homme détenu par des Imbonerakure a déclaré qu’il les avait vus revêtir des imperméables de la police.

Depuis février 2016, Human Rights Watch a documenté plusieurs cas où des Imbonerakure ont frappé, intimidé et arrêté des personnes dans diverses provinces. Des victimes, des témoins et des défenseurs des droits humains déclarent que les gens signalent rarement aux autorités les abus commis par les Imbonerakure par crainte de représailles, et pensent que certains membres des forces de sécurité collaborent avec les Imbonerakure.

Le parti au pouvoir et les services de renseignement ont souvent utilisé les Imbonerakure pour identifier les personnes soupçonnées d'être des opposants au gouvernement. Bien que ne disposant d’aucun pouvoir légal pour procéder à des arrestations, les Imbonerakure ont fréquemment arrêté des personnes, les ont battues et les ont remises à des agents des services de renseignement qui ont torturé certaines d’entre elles.

Des habitants de certaines provinces ont indiqué à Human Rights Watch que les Imbonerakure donnent souvent des ordres à la police et que des policiers de grades inférieurs semblent n’avoir aucun pouvoir pour stopper les abus des Imbonerakure. Les Imbonerakure collaborent souvent avec des autorités provinciales des services de renseignement après l’arrestation d’opposants présumés. Dans une province du nord du pays, des Imbonerakure ont dit à un policier qui leur demandait pourquoi ils battaient un homme : « Qu’est-ce que tu fais ici ? Sors d’ici ! » Le policier est parti.

Des victimes ont indiqué avoir vu des Imbonerakure surveiller les gens et parfois arrêter des personnes traversant la frontière entre le Burundi et le Rwanda. Des autorités gouvernementales ont déclaré que de nombreux Burundais se rendant au Rwanda ont des liens avec l’opposition ou peuvent être en train de s’apprêter à rejoindre des membres de l’opposition burundaise au Rwanda.

À la mi avril 2016, quatre Imbonerakure et un policier ont arrêté un homme du côté burundais de la frontière. Les Imbonerakure lui ont fait enlever sa chemise et ses chaussures, ont pris son téléphone, et lui ont ligoté les bras et les jambes. Ils l’ont transporté dans une base improvisée des Imbonerakure dans la forêt, où il a vu un autre homme que les Imbonerakure avaient battu. Le premier homme a déclaré :
Ils ont commencé par me frapper avec des câbles comme ceux qu’ils utilisent pour installer des lignes à fibres optiques. D’autres ont utilisé des gros bâtons. Pendant qu’ils me battaient, ils disaient qu’ils allaient me décapiter … que j’entretiens des relations avec des Rwandais, et que je suis en contact avec des « putschistes » [les responsables du coup d’État manqué].
Un pick-up appartenant au commissaire provincial du SNR est arrivé à la base dans la forêt et quatre policiers ont placé l’homme à l’arrière. Les policiers l’ont battu sur le trajet au bureau du SNR où une autorité de haut rang l’a accusé de collaborer avec l’opposition armée. Après qu’une relation ait versé un pot-de-vin, les autorités burundaises ont libéré l’homme.

Un étudiant dans une province du nord du pays a expliqué que le 18 avril il se trouvait dans un bar avec des amis lorsqu’un groupe d’Imbonerakure brandissant des gourdins lui ont demandé sa carte d’identité et de l’argent. Comme il ne pouvait pas leur donner d’argent, ils l’ont accusé d’aider les rebelles burundais à traverser au Burundi depuis le Rwanda. Un véhicule des autorités locales est arrivé et l’a emmené jusqu’à une province proche. L’étudiant a déclaré :
Nous étions détenus dans une cave d’une maison à plusieurs étages. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons été attachés étroitement avec des cordes. [La police] a commencé à nous frapper avec des gourdins. Nous sommes restés quatre jours dans cet endroit et nous étions toujours attachés. Ils nous battaient deux fois par jour : une fois le matin vers 6h et une fois le soir vers 20h. Ils nous frappaient surtout sur les fesses. Puis nous avons été envoyés à [une autre province]. Le commissaire de police nous a conduits là-bas. Partout où on allait, on nous accusait collaboration avec des groupes armés.
[Un officier de police de haut rang] voulait nous faire avouer que [des armes que la police avaient trouvées] nous appartenaient. Il nous a intimidés, disant que cela valait mieux pour nous d’avouer parce que, selon lui, faute avouée est à moitié pardonnée. On lui a dit qu’on ne pouvait pas avouer quelque chose dont on ne savait rien. Il a dit : « Vous allez parler aux organisations des droits humains [de votre arrestation] après avoir été libérés ? »
Quelques jours plus tard, l’officier de police supérieur l’a conduit jusqu’à un lieu rural inhabité et l’a libéré.
Des Imbonerakure ont arrêté un chauffeur de taxi de 34 ans dans une province du nord du pays début 2016. Le chauffeur de taxi a déclaré :
J’ai vu deux Imbonerakure venir avec moi avec un policier. Ils m’ont sauté dessus, m’ont saisi par la ceinture, un de chaque côté de moi. Un troisième Imbonerakure est arrivé et m’a frappé, et ils m’ont entraîné de force. J’ai dit à un policier qui se trouvait à proximité : « Tu vas les laisser me faire du mal alors que tu es là ? » Le policier a dit : « Je ne peux rien faire pour toi. »
Les Imbonerakure ont lié les bras de l’homme dans son dos et l’ont entraîné dans la forêt.
Ils se sont mis à me battre. Ils avaient tous des gourdins. Ils m’ont frappé 300 fois. Un Imbonerakure qui a dit être le commissaire responsable des opérations a dit : « C’est vous qui approvisionnez les rebelles. Même Jésus est un Imbonerakure. Que vous le vouliez ou non, Nkurunziza doit rester président. Vous allez devoir attendre au moins 200 ans pour qu’il y ait un président tutsi. »
L’homme a dit que l’un des Imbonerakure qui l’avaient battu semblait être Rwandais.
Pendant qu’ils me battaient, je criais fort et l’un d’eux a dit [en kinyarwanda, la langue du Rwanda] : Reka nze mbereke ! [Je vais te montrer]. Ensuite la même personne est venue et a sauté sur mon ventre puis a mis des sacs en plastique et des cailloux dans ma bouche pour que je ne puisse pas crier.
L’homme a versé un pot-de-vin de 100 000 francs burundais (environ 60 US$) à un Imbonerakure qui l’a libéré. L’homme a dit que son corps était meurtri et enflé, et qu’il urinait du sang après l’agression.

Abus commis par des groupes armés d’opposition

Des journalistes locaux et des défenseurs des droits humains ont signalé plusieurs attaques à la grenade et des tueries commises semble-t-il par des groupes armés de l’opposition. D’anciens membres de groupes armés de l’opposition ont indiqué à Human Rights Watch que par le passé ils avaient utilisé des tactiques d’attaques éclair et des attaques à la grenade pour tuer des membres du parti au pouvoir et des collaborateurs présumés.

Des individus non identifiés ont attaqué plusieurs bars à Bujumbura et dans d’autres provinces avec des grenades depuis début 2016. Les médias burundais ont signalé que le 24 mai, 10 hommes ont attaqué un bar et un dépôt de boissons dans la province de Mwaro, tuant un officier de police judiciaire et blessant plusieurs clients. Au cours de la même attaque, un garde se trouvant aux bureaux du parti au pouvoir à Ndava, une commune de Mwaro, a également été tué lorsque les assaillants ont tenté d’incendier le bâtiment. Trois hommes ont été arrêtés en lien avec les attaques.

Dans la province de Bururi, des hommes armés non identifiés ont abattu plusieurs membres du parti au pouvoir en avril et mai, dont Jean-Claude Bikorimana, un membre du parti au pouvoir tué par balle le 9 avril. Trois membres du parti au pouvoir faisaient partie des quatre personnes tuées par balle dans un bar de la province de Bururi dans la nuit du 15 avril ; une autre attaque survenue la même nuit a tué un membre du parti au pouvoir, Japhet Karibwami, à son domicile. Plusieurs personnes auraient été arrêtées après ces attaques.

Une autre personne décrite comme étant membre du parti au pouvoir, Anitha Nizigama, a été tuée par balle le 12 juin à Musaga, Bujumbura. Les circonstances et les raisons exactes de ce meurtre n’ont pas été confirmées.

Dans tous ces cas, Human Rights Watch n’a pas été en mesure de confirmer l’identité des agresseurs. Malgré des tentatives répétées, l’organisation n’a pas réussi à interroger des témoins des attaques ou à contacter des membres des familles des membres du parti au pouvoir ou des Imbonerakure qui ont été tués. 

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