lundi 2 mai 2016

La descente aux enfers du Burundi continue

Le Burundi traverse une crise institutionnelle majeure depuis la volonté du Président Pierre NKURUNZIZA de briguer un troisième mandat illégal, à la présidence du pays. La Force de Défense Nationale dont l’intégration est l’une, sinon la seule, des grandes réalisations de ce régime, traverse une crise grave de leadership qui risque d’entraîner son effondrement et avec elle celui de l’Etat. Avec un taux de croissance inférieur à 5 %, alors que les autres nations du Continent ont une croissance à deux chiffres, comme le Rwanda voisin, le Burundi est actuellement le pays le plus pauvre de la planète. Tous ceux qui ont été aux affaires durant les dix dernières années, en dehors même de la problématique de la légitimité du troisième mandat, devraient rendre leurs tabliers car ils ont lamentablement échoué à redresser le pays.

Beaucoup de burundais avaient eu une lueur d’espoir après la naissance du Conseil National pour le Respect de l’Accord d’Arusha et la Restauration d’un Etat de Droit au Burundi « CNARED-GIRITEKA» dans la continuité du mouvement citoyen de contestation contre le troisième mandat illégal du Président NKURUNZIZA. En effet, après une large concertation des leaders des partis de l’opposition politique burundaise et de la société civile, ils avaient décidé de mettre en place une plateforme « CNARED-GIRITEKA » pour mettre en synergie leurs efforts respectifs, afin d’accélérer le changement. Ils avaient confié sa présidence à Monsieur Léonard NYANGOMA, un homme expérimenté en politique, ancien leader syndicaliste de l’UTB (Union des Travailleurs du Burundi), ancien compagnon de lutte de feu Président Melchior NDADAYE et membre fondateur du parti SAHWANYA-FRODEBU, ancien Ministre d’Etat et Parlementaire mais également ancien leader de la résistance armée (après l’assassinat du Président démocratiquement élu, monsieur Melchior NDADAYE).

Après neuf mois seulement à la présidence de cette coalition de partis politiques d’opposition, l’honorable NYANGOMA a été remplacé par le Docteur Jean MINANI, le weekend dernier. Dans sa première sortie médiatique après son remplacement, l’honorable NYANGOMA a déclaré que « Au lieu de combattre le Président NKURUNZIZA, mes collègues m’ont combattu pendant neuf mois ». Pour un citoyen lambda qui attendait le salut dans cette plateforme politique de l’opposition burundaise, il a vite déchanté. Alors que le pays est à feu et à sang, que les leaders politiques de l’opposition passent neuf mois à s’adonner au jeu des chaises musicales est très affligeant.

Pour en savoir davantage, nous avons attendu la première sortie médiatique du nouveau président du CNARED-GIRITEKA. Le Docteur Jean MINANI est un intellectuel Burundais, Médecin de Formation, spécialiste en Gynécologie-Obstétrique. Il a une expérience politique incontestable car il a été président du parti SAHWANYA-FRODEBU et Président de l’Assemblée nationale du pays. Il est actuellement président d’une aile dissidente du parti SAHWANYA-FRODEBU. Nous rappelons, d’ores et déjà, que cette aile dénommée FRODEBU-NYAKURI symbolise la première scission des partis politiques au Burundi, orchestrée contre les partis d’opposition par le système Nkurunziza durant tout son règne. Le FRODEBU-NYAKURI du Dr Jean MINANI a été créé pour achever la destruction de ce qui restait du parti SAHWANYA-FRODEBU de NDADAYE. En effet, même sans beaucoup d’adhérents, le FRODEBU restait un symbole fort, qu’il fallait absolument anéantir pour s’émanciper, en tant que parti fondé par l’héros national, le Président NDADAYE Melchior. Nous avons alors écouté avec attention le discours du Docteur Jean MINANI le 26 avril 2016 à Bruxelles, lors de la journée anniversaire du début des manifestations contre le troisième mandat illégal du Président NKURUNZIZA.

Nous avons été sidérés, en apprenant de la bouche même du nouveau président du CNARED, que « Sinitoje = je ne me suis pas fait élire ; C’est le hasard, les gens m’ont dit de candidater à la présidence du CNARED, je me suis présenté, je ne pensais pas que j’allais être élu, et puis ils m’ont élu ». Notre classe politique est d’une irresponsabilité notoire : comment peut-on confier une aussi lourde charge à une personne qui n’a pas d’ambitions pour le pays ? Sous d’autres cieux, les prétendants à ce poste de grande responsabilité auraient d’abord présenté leurs visions, leurs projets, leurs ambitions, leurs atouts,….c’est comme cela qu’ils auraient évité que ce soit le hasard qui décide de celui qui va conduire l’opposition politique Burundaise. A côté de cette remarque de taille où les hommes confient le destin de leur nation au choix du hasard, ce sont les contradictions majeures qui jalonnent tout le discours du nouveau président du CNARED-GIRITEKA qui posent question sur sa lucidité. Celles qui frappent à l’oreille de tout auditeur attentif sont les suivantes :

1° Le Docteur Jean MINANI se compare à un vieux Général talentueux que le conseil de guerre appelle à la rescousse dans des situations difficiles, comme celle que traverse notre pays, pour diriger les opérations. Cette comparaison pourrait se comprendre compte tenu de son expérience politique et de son âge. Cependant, l’une des qualités principales d’un officier, de surcroît général, c’est le respect de la parole donnée (« parole d’un officier »). Pourtant, on est stupéfait, quand ce docteur actuellement âgé de 61 ans, nous raconte qu’il avait juré devant les dieux, sous peine d’être considéré comme un fou, en prenant son ami Onésime NDUWIMANA pour témoin, qu’il prendrait sa retraite politique à 60 ans. Si diriger le CNARED-GIRITEKA est une retraite politique, on n’est pas encore sorti de l’auberge !

2° Le nouveau président du CNARED-GIRITEKA nous dit que le régime NKURUNZIZA est un désastre économique. C’est une abomination politique car détenant le record dans les tueries autant des HUTU que des TUTSI. Nous partageons complètement son analyse pertinente sur l’incompétence, la corruption et la gabegie qui caractérisent ce régime. Nonobstant, quand ce même président du CNARED-GIRITEKA nous dit que les frondeurs du parti au pouvoir CNDD-FDD, qui étaient à la tête des grandes entreprises et dirigeaient les hautes institutions de la république pendant les dix dernières années et qui sont partis quasiment tous à la fin de leur mandat, méritent d’être décorés, c’est simplement se moquer du monde. Ces frondeurs sont coresponsables, avec le Président NKURUNZIZA, de la situation catastrophique dans laquelle se trouve le pays. Ils devraient plutôt faire le mea-culpa d’y avoir participé et d’avoir trahi le peuple burundais.

3° Le Docteur Jean MINANI nous dit que ce sont les HUTU qui ont tenté de faire un coup d’Etat contre un Président HUTU le 13 mai 2015. Peut-il être conséquent avec lui-même et nous dire pourquoi le Général Cyrille NDAYIRUKIYE, le Colonel NIMENYA et les autres, sont alors en train de moisir dans les prisons du pays?

4° Le président du CNARED-GIRITEKA nous explique qu’il est parmi les proches du Président NKURUNZIZA, qu’il a participé à son éducation et qu’il le connaît très bien, qu’il l’a toujours prévenu avant les grandes décisions, même avant d’aller manifester contre le troisième mandat, qu’il a toujours conseillé au Président ce qu’il fallait faire…Nous pouvons dire, somme toute, que le Président NKURUNZIZA est le Dauphin du Docteur Jean MINANI. Et vu jusqu’où le pouvoir du Président NKURUNZIZA a conduit le pays, on peut se demander si c’est un bon choix de confier le leadership de l’opposition politique burundaise au Docteur Jean MINANI. C’est sans doute cette connivence avec son Dauphin Président NKURUNZIZA qui explique la trahison du Dr MINANI envers l’opposition politique burundaise en 2015. En effet, au moment où l’ensemble de l’opposition venait d’appeler au boycott de la mascarade électorale organisée par Nkurunziza et NDAYICARIYE en 2015, le Dr MINANI actuel président du CNARED-GIRITEKA décida unilatéralement d’accompagner son dauphin dans sa campagne électorale et se porta candidat aux présidentielles pour légitimer un processus électoral illégal.

Avec toutes ces contradictions dans un discours inaugural, nous pouvons nous interroger sérieusement si le choix « du hasard » à la présidence du CNARED- GIRITEKA est réellement un bon choix. Si à cela on ajoute la mégalomanie du Docteur Jean MINANI, qui ose dire dans le même discours que « Amasezerano y’i Harusha nije nayagize, sinshobora kurenga kundahiro narahiye = les accords d’ARUSHA c’est moi qui les ai faits, je ne peux pas commettre un parjure », on dépasse alors la limite de l’acceptable. Comment peut-il oser s’approprier à lui seul une oeuvre collective laborieuse de l’élite burundaise ayant participé aux négociations d’ARUSHA ? Cela ne fait que renforcer et confirmer la thèse de la part secrète du Dr Jean MINANI, une intervention nocturne clandestine, à l’insu de ses camarades, sur l’Accord d’Arusha quelques heures avant sa signature le 28 août 2000.

Au vu de tout ce qui précède, le CNARED-GIRITEKA risque de ne pas être le salut tant attendu par le peuple Burundais en extrême souffrance. La jeunesse burundaise qui a été le porte-flambeau des avancées significatives que le pays a connues, doit se réveiller et s’allier aux hommes d’expérience intègres et qui nourrissent de haute ambition pour le Burundi, car les périodes tumultueuses ont besoin de mettre en avant des leaders charismatiques dont le choix ne saurait être dicté par le hasard. Et si le CNARED-GIRITEKA présente des inerties attribuables à sa composition hétéroclite sans un grand projet politique suffisamment élaboré derrière, il est grand temps de penser à autre chose, car il y a urgence : comme le disait le célèbre théoricien politique italien, Antonio Gramsci, la crise c’est quand le vieux monde se meurt et le nouveau monde tarde à naître.

Par Docteur Ingénieur Bella NDORIMANA

2 commentaires:

  1. None nka wewe wahora hehe ko utahora wandika kandi mbona ushobora gukebura, n'ubwo abo ukebura kamaze kuba?

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  2. Quelle belle analyse!!!! Nous nous sommes pas sorties de l'auberge, tant que les "vieux loups" (entendez par là les gens qui n'aspirent qu'à se partager le gâteau au détriment du peuple) sont ceux là même qui se battent bec et ongle pour être à la tête des mouvements politiques en y éloignant la jeunesse.
    Au Burundi, on a besoins des gens qui ne voient et ne vivent réellement que de la conviction que Burundais sont Burundais au lieu de nous amener ces divisions ethnistes qui n'en sont unes (car je ne croirai jamais qu'au Burndi, peuple qui depuis la création parle la même langue et partage les mêmes coutumes, culture et moeurs, il y a des ethnies différentes ).
    ces gens qui peuvent sauver le pays sont des jeunes sans gênes tribalo-régiono-ethnistes.
    Abon entendeur , salut.

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